TOURISMO CAMEROUN : FAIRE DU CAMEROUN LA PREMIÈRE DESTINATION AFRICAINE.

Serge Patrick Coltars

A 35 ans, Serge Patrick COLTARS a roulé sa bosse dans le tourisme et peut, de ce fait, se permettre cette ambition audacieuse : « Faire du Cameroun la première destination touristique d’Afrique ». Avec son agence Tourismo Cameroun, il parcourt les villages reculés de l’Afrique en miniature afin de dénicher les perles rares pour ses visiteurs. Durant notre entrevue, Serge Patrick nous a emmené dans son univers : les différentes étapes de préparation d’un circuit, le profil des visiteurs du Cameroun, l’après Covid-19 et les défis du tourisme dans son pays. Après 7 ans d’activités, il partage sa passion, son expérience et ses ambitions avec nous dans cette interview.   

Pouvez-vous vous présenter et nous en dire plus sur Tourismo Cameroun?

Je me présente comme un passionné et un autodidacte dans le métier du tourisme de par mon parcours assez atypique. Je suis diplômé en marketing et logistique. Je me suis retrouvé dans le tourisme par passion. Je commence en agence de communication et pendant cinq ans, je participe au développement d’une start-up consacré à l’Edition d’un magazine de santé, du conseil en communication et à l’organisation d’évènements culturels en général. J’ai commencé par partager mes bons plans sur Instagram pour informer et éduquer les internautes.  J’organisais également des voyages privés les week-ends depuis 2014. Fort de la demande des internautes, je décide véritablement d’en faire mon activité principale et de m’y consacrer pleinement à partir de 2016. Aujourd’hui, Tourismo est une agence spécialisée dans l’organisation des voyages sur mesure, individuel ou de groupe. L’objectif étant de permettre aux voyageurs de profiter de nos sites touristiques mais aussi de leur offrir une expérience atypique avec en vue la valorisation de nos richesses touristiques méconnues des étrangers et des camerounais eux-mêmes. L’enjeu est à la fois culturel, touristique et environnemental. Nous pensons qu’à travers le tourisme, nous pouvons valoriser nos atouts géographiques et mettre en avant la grande diversité culturelle et linguistique du Cameroun.

Quel est le profil des personnes qui vous contactent pour vos services? Que recherchent-elles comme expérience?

Entre 2016 et 2019, notre clientèle était constituée de 90% de camerounais résidant au Cameroun. Entre 2019 et 2022, la tendance a été inversée par la diaspora. En général, ce sont des jeunes entre 25 et 35 ans. À ce jour, la diaspora constitue 45% de notre clientèle et est majoritairement camerounaise suivi d’autres africains résidents en Afrique ou en Occident. La population locale est désormais représentée à 30% et le reste est constitué des étrangers de tout bord et d’occidentaux vivant au Cameroun.

Dans tous ces groupes, les femmes sont largement majoritaires, elles sont plus ouvertes au voyage particulièrement, les camerounaises ont un goût prononcé pour l’aventure et le risque. Sur 20 personnes, on enregistre 15 femmes.

Pour ce qui est de l’expérience, je dirais que les camerounais aiment l’ambiance, ils adorent voyager en groupe, s’amuser, faire des rencontres, partager, se détendre, s’évader et voir d’autres choses. Il y a une réelle recherche humaine, les gens veulent se connecter aux autres, à leur culture mais de façon réelle. Il est rare pour nous d’organiser un circuit solo avec un camerounais. Pour les diasporas, c’est principalement la recherche de la connaissance. Il est question de se reconnecter aux sources, aux origines, découvrir et faire découvrir aux enfants nés hors du continent les cultures locales.

Combien de sites dessers-tu ?

A ce jour, nous desservons 6 des 10 régions que compte le Cameroun. Pour ce qui est des 4 autres, les régions Nord-Ouest et Sud-Ouest sont classées zones sensibles dû aux turbulences causées par la crise dite anglophone. Quant aux régions du Nord et à l’Extrême-Nord, elles ont été en zone rouge depuis 2015, puis orange depuis 2020, et ce n’est que récemment qu’elles commencent à accueillir plusieurs visiteurs internes et externes, puisqu’elles sont en zone orange désormais suite à la crise « Boko Haram » qui a fortement baissé en intensité. Nous avons plusieurs contacts sur place et nous avons procédé à des repérages mais aucun voyage n’a encore été organisé.

Lire aussi : Tourisme, entre la jeunesse de l’Afrique Centrale et la sagesse de l’Afrique de l’Ouest

Chutes de Poupouma, Centre – Cameroun

Comment organisez-vous les excursions? Quels sont les étapes?

Ça se prépare à deux niveaux : clientèle et organisationnelle. Les clients nous contactent par Instagram, Facebook, Twitter, LinkedIn ou par mail. Nous leurs faisons un devis sur mesure en se basant sur leurs réponses à notre questionnaire : l’âge, la nationalité, le type d’expérience recherché, la thématique de voyage, le nombre de personnes, le budget, la durée, etc. Nous leur proposons un circuit sur mesure et nous nous entendons sur les détails de paiement. Au niveau organisationnel, lorsqu’on décide d’organiser un voyage, nous choisissons un site préalablement repéré par nos équipes et respectant nos critères : la beauté, l’originalité, l’accessibilité, la sécurité, la distance, l’évaluation de l’impact environnemental, l’implication des populations locales dans nos activités entres autres. Lorsqu’on va en repérage, nous rencontrons les communautés locales afin de s’assurer de leurs aptitudes à recevoir les étrangers et dans le cas contraire, nous leur expliquons la nécessité de collaborer avec nous. Après cette étape, nous prenons contact avec un guide local et d’autres membres de la communauté afin de faciliter le repérage et les échanges. Nous évaluons ensuite le circuit ; nous testons le parcours, déterminons le coût logistique et évaluons les activités proposées. Une fois l’évaluation et les coûts déterminés, nous retournons échanger avec les locaux afin de définir leur degré d’implication dans le projet, connaître les exigences au niveau des us et coutumes. Il est important que les locaux bénéficient de cette activité. Une fois l’accord passé avec les locaux, nous préparons l’offre et la publions. Avant le jour dit, un dernier repérage est effectué sur le site afin de s’assurer que tout est normal et que le guidage sera assuré dans les règles de l’art. Après chaque escapade, nous demandons les retours des clients et la permission sur l’exploitation de leur image sur nos plateformes.

Inspire Afrika : As-tu une équipe ? Si oui, elle est constituée de combien de personnes ? Quelle tranche d’âge ?

La moyenne d’âge est de 30 ans. Actuellement, nous sommes 7. Serge, J’assure le montage des circuits, la communication et le guidage des visiteurs. Olga est travel agent, elle s’occupe des clients, leurs besoins, leur accueil, se rassure de leur sécurité, satisfaction et anticipe des éventuels soucis qu’ils peuvent rencontrer. Mouss est le designer graphique, Anne gère la décoration car en plus des circuits, nous organisons également des évènements privés et des teams building pour les entreprises. Charles assure le côté sécurité et logistique, Gaël est chargé du développement des projets et enfin Aurélie s’occupe du développement commercial et des partenariats.

Inspire Afrika : Quel est le plus que ton agence apporte aux touristes ?

La première chose, c’est l’expérience que nous offrons. Elle est atypique et unique, elle ne ressemble à aucune autre expérience, elle ne se décrit pas elle se vit. Le client ne quitte pas seulement d’un point A à un point B, il voyage à travers une culture, un peuple, il découvre un autre monde. De plus, avec Tourismo, chaque client participe au développement du tourisme local et donc du développement local puisque 5% de notre chiffre d’affaires est redistribué aux populations locales. Le troisième point c’est l’écotourisme et le tourisme responsable. Nos voyages sont verts et respectueux du mode de vie des populations locales.

Inspire Afrika : Lors de tes voyages, les populations sont-elles toujours hospitalières ? Comment arrives-tu à gérer la situation ?

Oui, elles le sont. Mon secret est de mettre en avant la communication et l’écoute active. Échanger avec les représentants des communautés afin de les convaincre.

Lac de Petpenoun, Domaine de Petpenoun, Noun, Cameroun

Il faut savoir que les locaux ont leur fonctionnement et leur vision du monde. En venant avec vos idées, vous devez d’abord comprendre leur position et l’intégrer dans vos opérations. Il faut que les locaux ressentent l’impact des différentes activités dans leur quotidien.

Concernant les freins rencontrés sur le terrain : l’appât du gain facile, le tribalisme, les préjugés sur les visiteurs et les croyances erronées sur les villages visités. J’en ai fait les frais. Le projet Tourismo c’est aussi ça, montrer aux Camerounais qu’il n’y a pas que Douala et Yaoundé, il existe d’autres choses, d’autres lieux aussi intéressants. Pour avoir grandi à Douala, je sais qu’il y a des camerounais qui finissent leur vie sans jamais connaître d’autres lieux que Douala ou Yaoundé, c’est d’abord à ses personnes que ce projet est destiné, ses personnes qui vont à la recherchent d’autres expériences, d’autres cultures et d’autres humains.

Comment vois-tu le secteur touristique au Cameroun et en Afrique? Quels sont les freins au décollage du tourisme?

Le premier point à changer c’est la mentalité. Le camerounais doit comprendre que le tourisme n’est pas une affaire des blancs ou des riches, ce n’est pas l’affaire des autres mais de tous.  Le deuxième point, c’est le retard infrastructurel, l’accès et l’aménagement de certains sites et enfin l’accompagnement des initiatives touristiques. Comment je vois le tourisme en Afrique ? Florissant. Il faut innover, multiplier les initiatives, les voyages, mettre l’accent sur la formation, encadrer les jeunes qui souhaitent se lancer dans ce domaine. Les professionnels du tourisme doivent fonctionner en coopératives, associations et syndicats qui défendent leurs intérêts et développent le secteur autour des valeurs humaines et sociales. A notre niveau, nous travaillons à la promotion et la valorisation des sites méconnus du Cameroun en organisant fréquemment des voyages, nous en faisons en moyenne 30 à 40 par an. Cependant, je dois reconnaître les avancées enregistrées ces dernières années. Les initiatives se multiplient et cela montre le dynamisme et la volonté de la nouvelle génération.  Je salue également nos collaborations locales et sous régionales. Notre ambition reste de faire du Cameroun, la première destination touristique africaine dans 20 ans au travers de notre plateforme et des différentes initiatives privées et Etatiques.

Inspire Afrika : Comment as-tu vécu la Covid-19 ? si tu devais faire une comparaison entre l’avant et l’après 2020 ?

2020 a été une année épouvantable et éprouvante. Tout était en arrêt, les sites étaient interdits d’accès, le confinement nous a confortés sur l’importance du digital dans notre secteur. Aujourd’hui, la plupart des acteurs du secteur touristique ont concentré leurs stratégies commerciales vers le digital ou les réseaux sociaux. 80 % de nos premiers contacts se font sur les plateformes digitales. Heureusement pour nous, on le faisait déjà avant. Mais depuis 2021 année charnière de l’après COVID 19, les activités sont en hausse. Je dirais même que l’après Covid-19 a suscité le désir de voyage et de découverte chez plusieurs personnes.  Finalement, ça a été plus bénéfique qu’on ne le pensait.

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