LES PENSEES DE Me GAELLE NGO NGUE & Me LAETITIA MBONDO KANGA

Elles ont su gagner, chacune à sa façon, le respect et le succès dans  l’un des métiers les plus masculin, traditionaliste et hermétique qui puisse exister : l’avocature. Entre la féminisation du métier dans l’environnement camerounais et la révolution digitale qui vient impulser leur secteur d’activité ces artisanes du changement vivent la transformation de leur secteur de manière différente. Nous avons échangé avec Maître Gaëlle Ngo Ngue, 39 ans, fondatrice et associée gérante du Cabinet Ngue & Partners et Maître Laetitia Mbondo Kanga, 35 ans, Associée gérante du Cabinet YEMAN Africa. Parcours et vision de la profession d’avocat et engagement féministe étaient les sujets au cœur de l’échange.

 

Inspire Afrika Magazine : Comment définiriez-vous le métier d’avocat selon votre
expérience?
Gaëlle NGO NGUE: De mon expérience, je définirais le métier d’avocat au Cameroun comme
excitant, enrichissant et exigeant.
Laetitia MBONDO KANGA: Mon expérience est totalement passionnante parce que semée de belles rencontres, on touche un peu à tout, on côtoie beaucoup de domaines et on résout des problèmes. Avec des données qui ont l’air tellement abstraites, on arrive à donner des solutions très concrètes et pragmatiques. C’est en cela que je le trouve très passionnant et intéressant.

I.A.M : Entrepreneure et/ ou avocate. Comment vous voyez-vous, étant associée de cabinet
d’avocat?
G. N.N: Ces derniers temps, je me vois plus comme étant entrepreneure qu’avocate. C’est vrai, j’ai été formée pour être avocate, mais l’entrepreneuriat est beaucoup plus complexe et demande la gestion de personnes et beaucoup de self-control.

L.M.K.: Pour moi l’un n’exclut pas l’autre. Nous sommes avocates par notre serment et, par le choix d’exercice de notre profession (il y en a plusieurs). Nous sommes entrepreneures, ayant choisie d’être à notre propre compte. Dans cette hypothèse, l’un ne va pas sans l’autre. Nous devons gérer des entreprises tout en étant avocates.

I.A.M : Qui dit entrepreneuriat dit de nos jours, digital. Quelle place le digital peut-il jouer
dans votre métier ?
G.N.N.: Le digital est la raison pour laquelle j’ai décidé de créer un cabinet d’avocat il y a 6 ans. J’ai senti le besoin de rendre la profession d’avocat au Cameroun beaucoup plus dynamique, et beaucoup moins traditionaliste. J’essaie, tous les jours, avec mes collaborateurs d’intégrer le digital dans la gestion de notre image. C’est très important pour nous, avocats de la nouvelle génération, de mettre le digital en avant.

L.M.K: Le digital a une place essentielle dans l’exercice de la profession aujourd’hui car, au-delà de la visibilité qui est importante, il permet de casser l’entendement que l’on a de la manière dont les avocats se mettent en lumière. De plus, savoir utiliser l’outil numérique permet d’accroître son développement, la satisfaction client et d’optimiser son rendement.

I.A.M : Qui est la plus féministe ?
G.N.N.: Je ne connais pas exactement les combats de Laetitia, (rires). Je suis féministe, par rapport au combat que je mène tous les jours, parce que je voudrais que les femmes se voient beaucoup plus que des mères et des épouses. Je suis féministe parce que j’encourage les femmes à pénétrer dans la profession, je le suis également parce que j’aime pousser les femmes qui ont du potentiel et je le suis encore plus, parce que j’ai la conviction que les femmes n’ont rien à envier aux hommes.

L.M.K: Mon combat en tant que féministe se résume en 3 points. Il faudrait que dans notre société, on normalise l’équité de traitement juridique, sociale et culturelle entre l’homme et la femme, que ce soit dans l’éducation, la famille et dans le milieu professionnel. C’est une déconstruction qu’il faut faire dans les manières de penser des uns et des autres et que le militantisme devrait entretenir. Je ne sais pas si cela vous donne la mesure du féminisme entre nous deux (rires) mais je ne dirais pas que l’une l’est plus que l’autre, sinon je laisserais ma consœur ainée être plus militante.

G.N.N.: Je suis plus militante parce que je milite depuis longtemps (rires). Et je pousse les femmes, parce que oui, il faut les pousser.

L.M.K.: Tout est dit (rires)

I.A.M : Être femme et avocate, un fardeau ou une bénédiction ?
G.N.N : Je pense, comme disent les américains “It’s a gift and a curse”, les deux à la fois. Une bénédiction parce que la femme porte la vie en elle, et il est très difficile de refuser quoique ce soit à une femme quand elle le veut véritablement. Une malédiction parce qu’on a tendance à réduire la femme à un rôle inférieur et à vouloir lui dénier ses accomplissements. On ne veut pas reconnaître qu’elle peut être intelligente, forte et aussi ambitieuse, sinon plus, que l’homme. C’est un fardeau parce qu’on ne vous prend pas au sérieux de prime abord et une bénédiction parce qu’on a toujours plus d’un tour dans notre sac.

L.M.K: C’est une bénédiction pour moi. En tant que femme exerçant le métier d’avocate, je trouve qu’on a l’avantage d’avoir ces a priori, qui ne se vérifient pas souvent, et nous permettent de nous forger un certain caractère dû à nos expériences. En tant que femmes, on rencontre beaucoup de difficultés dans l’exercice de notre profession qui allègent celles du quotidien. Par exemple, je me suis rendue compte que, je manage mieux les difficultés de la vie privée depuis que je suis payée pour gérer des situations difficiles rencontrées par mes clients. En tant qu’avocate de sexe féminin, je dirais que c’est aussi une bénédiction, au-delà du côté cartésien, de savoir laisser cours à son intuition. Je pense que les femmes en ont plus que les hommes, et ça règle souvent mieux les difficultés que les applications très cartésiennes de ce qui est.

I.A.M : Votre première fois en tant qu’avocate Flop ou top?
G.N.N.: Top parce que chez Ngue & Associés on ne connaît pas de flop. J’ai décidé de me lancer à mon compte sur un coup de tête. Je n’avais pas de business plan, pas de clients potentiels et encore moins de local. Je disais aux gens que j’étais avocate et que j’avais un cabinet, mais mon cabinet était en réalité dans mon sac et mes clients dans ma tête. Un jour, une connaissance me dit que son employeur recherche un cabinet d’avocat et moi de lui répondre “t’inquiètes, Ngue & Associés est prêt”. Je me suis préparée pour le rendez-vous, parce que je savais que cela allait être très important pour la suite de ma carrière, et j’ai eu l’affaire . Il se trouve que le monsieur était le directeur général d’une grande société pétrolière ; je n’avais plus qu’à rendre grâce à Dieu.

L.M.K: Top. J’ai aimé ma première expérience, du moins celle que je m’en vais vous raconter. J’étais au tout début de ma carrière et on défendait un dossier assez simple d’expulsion. On était pour la demanderesse , qui avait le droit et les faits pour elle. La juge a demandé que les avocats prennent la parole pour lui expliquer en quelques mots le dossier et c’était ma première plaidoirie. Un moment émouvant, je pense, pour tous les avocats. C’est un moment mêlé de solitude et d’élévation. Solitude parce que vous êtes seule devant un juge que vous devez convaincre, j’étais toute petite et toute frêle et c’était ma première prise de parole dans une audience. Un moment d’élévation parce que, ça a été surprenant d’entendre le silence qu’a fait toute la salle pour m’écouter, MOI, expliquer un dossier sur lequel j’avais travaillé. C’était tellement satisfaisant que je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait un plus, puisqu’à la fin de ma plaidoirie, le juge, avec des signes d’approbation, s’est tourné vers l’avocat d’en face l’air de lui dire « qu’est-ce que vous avez de pertinent à répondre à ceci ». Il faut savoir que les juges n’ont pas le droit de faire des signes d’approbation ou de désapprobation. C’était topissime parce que j’avais la conviction d’avoir tout donné.

I.A.M : Avocature et style de vie, flop ou top? Pourquoi?
G.N.N.: Top, je dirais “topissime” même. L’avocat est surtout vu pour son extérieur et on en joue beaucoup, que ce soit avec les vêtements, les milieux que l’on fréquente, le style de vie et le rêve qu’on veut transmettre. Moi j’essaie d’incarner les personnages des séries d’avocats que je regarde depuis toute petite. Cela me fait plaisir d’inspirer les autres au travers de mes contenus sur les réseaux sociaux en partageant mon quotidien d’avocate et de manager. Ce n’est pas très conventionnel mais si à travers cela, je peux inspirer les jeunes filles, c’est top.

L.M.K: Top. Je ne vois pas de flop dans le fait d’être avocate. Le métier a apporté la tempérance et la maîtrise de soi dans mon lifestyle. C’est vrai que cela me manque d’être quelqu’un de bouillante, impulsive et de dire tout haut tout ce que je pense comme je le faisais avant, (rires). C’est un métier d’apparence, il ne faut pas se tromper. Il y a d’ailleurs un adage qui dit que quand on est avocat, on représente le barreau partout où l’on est. Il y a des comportements à adopter pour préserver l’image que le reste du monde a de la profession et honnêtement, j’aime bien jouer ce rôle.

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