«Au départ, personne n’y croyait, ni les religieux de mon ordre, ni mes parents et amis. Mais j’avais la conviction que demain serait différent, parce que Dieu allait nous aider et que l’injustice pouvait être repoussée.» *
Le centre Songhaï aurait pu être baptisé le centre de la persévérance, tant il a fallu du chemin à son Initiateur, le Frère Godfrey Nzamujo pour passer de l’idée à sa concrétisation.
En 1983, face à la misère et aux guerres qui frappent l’Afrique de toute part, Godfrey Nzamujo, prêtre dominicain originaire du Nigéria, Docteur en électronique, en microbiologie et en sciences de développement, se fixe un but à atteindre : celui de redonner à l’Afrique, sa dignité, trop longtemps bafouée.
Alors Professeur d’université en électronique-informatique aux Etats-Unis, il s’envole pour l’Afrique, bien décidé à faire bouger les choses. Il parcourt alors le continent, soumettant son projet à de nombreux pays africains, mais seul le gouvernement béninois de l’époque adhère au projet. C’est ainsi que naît la ferme Songhaï à Porto-Novo en 1985. Le père Godfrey Nzamujo et ses associés se sont donnés comme défis de faire renaître les valeurs africaines, mais aussi d’œuvrer à la valorisation des opportunités disponibles avec pour moteur la jeunesse africaine. Si ce projet a emprunté son nom à un puissant empire Ouest-africain du 15ème siècle, cela n’est ni un hasard ni un abus, car trente ans plus tard, la ferme Songhaï est reconnue à travers le monde comme un modèle de réussite économique et écologique.
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Les résultats ne sont font pas attendre : dès 1989, des formations en entreprenariat agricole sont dispensées à la jeunesse. Le modèle Songhaï est repris à partir de 2002 dans divers pays africains à savoir au Nigéria, au Libéria et en Sierra-Léone. Ces formations portent sur la bio-production, la bio-transformation, la bio-énergie, la bio-consommation mais également, la ferme Songhaï dispose d’une médiathèque. Au vue de la qualité et de l’originalité des formations qui y sont dispensées, des étudiants de l’Afrique entière y affluent chaque année. A Songhaï, ces formations sont délivrées dans le but de faire du secteur primaire le moteur de la croissance rurale et la base du développement des secteurs secondaire et tertiaire. Godfrey Nzamujo résume le principe ainsi : «Dans la nature, il n’y a pas de perte, le végétal nourrit l’animal qui nourrit le végétal. Elle est efficace. En Afrique, on est mieux placés pour reproduire ce cycle car la nature fonctionne douze mois sur douze. Elle nous bombarde d’énergie.»
Entre temps, le réseau des fermiers Songhaï est lancé en 1993 et l’Association Songhaï – France naît la même année. Le Projet de réplication du modèle Songhaï dans une quinzaine de pays africains avec le soutien du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) est lancé et Songhaï est même promu Centre d’Excellence régionale pour l’Afrique par les Nations-Unies en 2008. Le Père Godfrey Nzamujo quant à lui est admis au rang de Grand Officier de l’Ordre du Bénin en 2013.
Son secret de réussite ? La biologie !
A travers la ferme Songhaï, Godfrey Nzamujo recherche la combinaison idéale des facteurs suivants : L’augmentation des rendements agricoles sans user d’engrais chimiques ni de pesticides et la minimisation les coûts de production. De ce fait, dans la ferme ‘’rien ne se perd mais tout se transforme’’, les fientes de poules sont transformées en bio-gaz, ce dernier est utilisé pour les besoins des cuisines du centre. Les pièces détachées des engins agricoles sont réutilisées pour la fabrication de nouvelles machines. Les eaux usées sont filtrées grâce à des jacinthes. La production de riz à l’hectare sans chimie est l’une des plus abondante du monde avec près de 21 tonnes de riz à l’hectare par an.
En 2002, Godfrey Nzamujo publie aux éditions Cerf le récit de son étonnante réussite mais aussi sa théorie d’un développement concret dans cette zone du monde où beaucoup reste à faire.
Le Centre Songhaï de Porto-Novo s’étend aujourd’hui sur plus de 24 hectares de terre et sert de site expérimental. De nombreuses répliques ont été réalisées à l’intérieur du Bénin. Le nouvel empire Songhaï n’a pas fini de faire parler de lui.
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