LÉONIDE MICHAEL SINSIN « NOUS AVONS VOCATION À DEVENIR UN OPÉRATEUR ÉNERGETIQUE COMPLET QUI CRÉE LE SAVOIR-FAIRE ET LES PRODUITS AU SERVICE DES POPULATIONS »

Quand il était étudiant à l’institut Français du Pétrole et des Energies Nouvelles au sein du réseau Paris Tech, Léonide Michael SINSIN rêvait déjà d’avoir un impact sur son pays le Bénin, dont il est originaire, mais aussi sur son continent. Après avoir obtenu son double diplôme en sciences et économie de l’énergie en 2012, il co-fonde MyJouleBox un opérateur énergétique. En parallèle, il effectue des travaux de recherche autour des questions de l’économie, de la tarification, de l’accès et du financement de l’énergie à destination des populations vulnérables. Et comme pour allier la théorie à la pratique, il crée ARESS, une entreprise qui fournit de l’énergie solaire aux populations béninoises, mais pas que. Découverte…

Inspire Afrika Magazine : Comment est née l’envie de fonder ARESS Sarl ? Était-ce un projet de longue date auquel vous aviez pensez avant même d’avoir fini vos études ?

ARESS, est né d’un constat, simple : celui de trouver une raison d’être dans un domaine où les enjeux vont au-delà de l’électrification. L’énergie est l’un des domaines les plus capitalistiques, ce qui implique des besoins de financement importants et compétitifs. Aussi, il s’agit d’un secteur où l’assistance technique est la plus intensive, ce qui pose le problème des balances commerciales de nos pays et de la disponibilité de ressources humaines qualifiées. ARESS apparait donc comme un acteur qui s’engage à développer localement des compétences aux standards internationaux et à positionner nos sociétés au niveau international, afin que l’Afrique ne soit plus perçue comme une terre d’éternelles bénéficiaires mais plutôt comme une terre de compétiteurs.

Bien sûr, c’est une idée de projet, qui datait de mes années estudiantines, avec tout un tas de réseaux d’amis que je remercie encore pour l’inspiration, pour ses riches discussions sur l’histoire, la stratégie et les enjeux du continent ; qui n’ont jamais manqué sur les bancs des diasporas.  

Vous intervenez depuis plus de sept ans en Afrique de l’Ouest (Bénin, Togo, Burkina Faso). Pourquoi avoir choisis principalement ces zones ? Et à quand le déploiement dans les autres pays africains ?

Le Bénin est mon pays d’origine, donc historiquement le pays de création d’ARESS. Tous les autres pays autours sont justifiés par la volonté de contribuer à l’intégration sous régionale à travers le secteur d’énergétique. On parle beaucoup de mobilité humaine, de mobilités des biens et services, mais il serait tant d’interconnecter les zones entre elles grâce à l’électricité. Enfin, conformément aux données de l’UEMOA sur le système énergétique, la plupart de ces pays, ont tous un profil similaire (monnaie et langue commune, taux d’accès, structure de gouvernance du secteur) ce qui rend le déploiement plus aisé. Bien sûr, nous avons à  l’esprit d’élargir à d’autres pays, mais ce sont des décisions longues au regard des investissements, des enjeux, et du cadre réglementaire dans les pays en question.

Plus de 98 % des appareils et composants utilisés sont importés car ils sont fabriqués à l’étranger. Qu’en est-il des 2 % restants ? Et que représente ce chiffre pour ARESS ?

Bien évidemment, ces 2% représentent notre raison d’être. L’objectif est de créer le maximum de valeur ajoutée locale, en créant une compétence humaine hautement qualifiée, afin d’accroitre le potentiel des énergies renouvelables localement. On ne peut parler de potentiel ou d’équité si le bénéfice escompté n’est pas inclusif. Nous avons à cœur que le transfert de compétences ne soit pas juste un vain mot. À ARESS, nous avons vocation à devenir un opérateur énergétique complet qui crée en Afrique, dans une certaine mesure, le savoir-faire et les produits au service des populations.

Aujourd’hui, la question du changement climatique est sur tous les fronts. Diriez-vous que ARESS contribue positivement à ce changement ? Si oui, de quelle manière ?

ARESS a distribué depuis 2014 plus de 30 000 systèmes solaires individuels, 589 systèmes productifs, et 115 maraîchers pour soutenir l’agriculture durable en réduisant la pénibilité des femmes . Depuis 2016, nous avons supervisé en Afrique de l’Ouest plus de 10 000 lampadaires publics et 62 mini réseaux, et plus de 200 km de réseau Transport et Distribution basse tension. En 2020, nous sommes la seule société locale sélectionnée dans le cadre d’un appel à projet international des USA et du Bénin pour électrifier 5 000 foyers ruraux et 500 artisans. Enfin, depuis la crise de la COVID-19, nous avons supporté plus de 37 centres de santé, pour améliorer la qualité de leur infrastructure et améliorer la chaîne de froid pour le stockage des produits sensibles. Somme toute, c’est plus de 2 MW de capacité propre, durable que nous avons mis sur le marché. Nous avons impacté de façon directe plus de 250 000 personnes, dans un pays où plus de 50% de la population n’a pas accès à l’énergie, tout en impactant plus de 2 567 000 personnes de façon indirecte grâce aux projets sous régionaux supervisés. Avec un seuil de pauvreté fixé à environ 442 USD en 2019, et environ 39% de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, les bénéfices apportées par nos solutions sont un rempart contre l’exclusion sociale et la morosité économique.

L’énergie solaire est généralement perçue comme couteuse pour les bourses Africaines. Pourtant, avec le réchauffement climatique, elle s’impose presque. Qui sont vos clients ? Comment les attirez-vous ?

En moyenne, en Afrique de l’Ouest et spécifiquement au Bénin, plus de 60% de la population vit en zone rurale et 39% sont dans une extrême pauvreté monétaire. Nous développons des solutions innovantes et durables au profit des populations et des artisans, en leur offrant l’accompagnement financier nécessaire. Ainsi, les bénéficiaires peuvent donc faire face à leur besoin en énergie sans davantage se ruiner. De ce fait, nous refinançons sur des périodes de 6 mois à 36 mois nos clients à des taux, très inférieurs à ceux appliqués par les institutions financières classiques, et par les multinationales occidentales présentes dans le secteur. De plus, toutes nos solutions sont extensibles pour accompagner l’accroissement de la demande en énergie. Enfin, sur le volet de la formation, plus de 243 jeunes se sont reconvertis dans le domaine des énergies renouvelables depuis notre création. Ils interviennent à ce jour sur toute l’étendue du territoire national et au-delà, pour adresser le principal problème sur le débouché de la jeunesse en Afrique.

Justement. Pouvez-vous nous en dire plus sur le service Pay As You Go ARESS et ses avantages ? Le PayGo est un mécanisme innovant qui permet de financer des actifs solaires, grâce à un financement dédié et suivi par des outils numériques intégrés ou non aux opérateurs téléphoniques. Il s’agit d’une solution complète entre l’inclusion financière, la digitalisation et l’accès à l’énergie. Son principal avantage est qu’il permet d’atteindre un nombre important de personnes ; personnes qui n’auraient pas pu avoir l’occasion d’acquérir des produits de qualité. Toutefois, son déploiement pose deux questions fondamentales : Celui de la capacité réelle à payer des bénéficiaires au regard de leur faible niveau de revenus, souvent saisonnier ; et celui de la qualité du service délivré. Malheureusement, beaucoup trop de sociétés sont dans la massification des ventes,  au détriment de la qualité de la relation commerciale et des besoins réels du client.

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