FATIMATOU OUSMANOU: « Au lieu d’investir dans des publicités en ligne, j’ai investi mon tout petit budget sur des personnes. »

Cette jeune Camerounaise de 28 ans a un parcours impressionnant. D’abord Chef de Projet Innovation Sociale chez Orange, elle rejoint un an plus tard Bond’Innov en tant que Chef de projet Incubation, puis Responsable Partenariats, Communication et Réseaux, pour enfin finir Directrice de la Communication. Depuis presqu’un an, elle est la tête de TapTap Send Cameroun dont elle dirige le développement avec talent et agilité. Elle nous parle de ce nouveau projet, des ambitions et de la vision de TapTap Send, le service de transfert d’argent le plus en vue du moment.

Comment es-tu arrivée chez TapTap Send ?
C’est en 2020 que j’ai été approchée par TapTap Send, créée en 2019 par Michael Faye. En voulant faire face à la problématique du transfert d’argent pour une ONG qu’il avait précédemment créée, il s’est rendu compte que les opérateurs traditionnels surtaxaient la diaspora (du moins ceux qui envoyaient de l’argent en Afrique). Il a donc décidé de créer TapTap Send et ses équipes ont d’abord commencé avec de gros pays comme le Ghana et le Sénégal. Et lorsqu’il a fallu lancer en Afrique centrale, ils sont venus me chercher. J’ai géré le lancement au Cameroun, puis dans les deux Congo, et j’ai relancé au Mali, sachant qu’ils avaient déjà essayé une première fois dans ce pays, mais que ça n’avait pas marché. J’ai donc lancé ces 4 pays, mais je suis vraiment officiellement la cofondatrice de TapTap Send Cameroun, dont j’ai des parts sur l’entité camerounaise et dont j’ai la Direction Générale.
Il y’a 3 cofondatrices en tout pour le moment : une Ghanéenne, une Malgache, et moi, qui sommes toutes issues des pays en question. Nous sommes aussi présents dans près de 6 pays en Asie. On veut montrer que notre idée, notre modèle, peut fonctionner ailleurs qu’en Afrique. Mais pour l’instant 97 % du business est porté par l’Afrique.

Quel est ton objectif que le Cameroun ?
L’idée est de faire du Cameroun un « pay-in country», c’est-à-dire permettre à des diasporas vivant au Cameroun d’envoyer de l’argent vers d’autres pays de la sous-région dans un premier temps, puis idéalement vers l’Europe. Aujourd’hui tous les pays africains ne peuvent que recevoir. On veut faire du Cameroun le premier pays francophone à pouvoir envoyer de l’argent vers l’extérieur.

En quoi TapTap Send se démarque des autres opérateurs d’envoi d’argent. Quelle est la différence avec Western Union ou Money Gram ?
TapTap Send fait partie des solutions de transfert d’argent les moins chères du marché. Dans notre industrie, il y’a 2 façons de se rémunérer : par les frais d’envoi ou par le taux de change. La plupart des opérateurs traditionnels se rémunèrent à la fois sur les frais d’envoi et le taux de change, alors que chez TapTap Send c’est l’un ou l’autre. Par exemple, sur les pays où on utilise le franc CFA, puisqu’on ne peut pas jouer avec le taux de change, on ne prélève que 2€ de frais fixes et ça ne change jamais. Sur les pays qui n’utilisent pas le franc CFA, on prend 3 % sur le taux de change et dans ce cas-là il n’y a aucun frais d’envoi. Par exemple, quand on veut envoyer de l’argent en Guinée, il n’y a aucun frais d’envoi avec TapTap Send et dans l’application on voit directement le montant que va recevoir le destinataire en francs guinéens. On a à peu près le même taux de change – si ce n’est plus bas – que les autre opérateurs, et sans frais, car on se rémunère uniquement sur les 3 % qu’on prend sur le taux de change de la transaction. Les autres acteurs eux, se rémunèrent non seulement sur le taux de change, mais aussi sur les frais d’envoi. Donc ils se rémunèrent deux fois.
Certains opérateurs peuvent supprimer des frais d’envoi, quand ils font des offres promotionnelles. D’autres compétiteurs font des applis comme nous, qui proposent des prix très attractifs et se rémunèrent de la même façon que nous. Si nous ne sommes plus les seuls à avoir ce mode de rémunération, nous sommes assurément les premiers à l’avoir adopté. TapTap Send a eu un succès assez fulgurant, auprès des Diasporas.

Quelle est votre approche de communication comparée à d’autres services, qui eux aussi se sont installés et déployés progressivement et plus « calmement » ?
La spécificité de TapTap Send, pour le Cameroun du moins, c’est que la structure a été lancée par une Camerounaise. Pour moi, c’est très important de le préciser parce que la communication qui a été faite était très orientée et spécifique à la population camerounaise. Pendant un an, j’étais seule sur TapTap Send Cameroun donc je me suis demandé : « Quels sont les canaux utilisés par tous ? Qu’est-ce que ma mère, ma tante ou mon frère regardent pour s’informer ? ». Je me suis appuyée d’abord sur mon premier cercle – ma famille, mes amis – pour lancer TapTap Send au Cameroun. Et après, ce qui a aidé à la croissance fulgurante, ce sont les influenceurs. Au début, en tant que startup, on avait un budget de communication ridicule. Et pourtant, on a réussi à avoir un premier utilisateur, puis un second, et de fil en aiguille, avec le bouche-à-oreille, la mayonnaise a pris. Notre gros atout aussi, c’est le transfert d’argent directement via mobile money, une solution plébiscitée par la population camerounaise. Plus besoin de passer dans une agence : on envoie directement les fonds sur le téléphone du destinataire. Cet argument a été décisif dans l’adoption de TapTap Send. J’ai aussi su m’entourer des bonnes personnes, et de bons ambassadeurs. Je n’avais pas d’équipe alors l’idée était de travailler avec des personnes clés dans la communauté, que je pouvais rémunérer à mon échelle, pour faire passer le message. Aujourd’hui, je travaille toujours avec ces ambassadeurs qui peuvent être des photographes, des artistes, des employés d’ambassades… Bref, des gens qui nous ont fait bénéficier de leur réseau côté offline. Et côté online, j’ai fait appel à des influenceurs à qui j’ai choisi de faire confiance alors même que de grosses boîtes ne voulaient pas investir en eux parce qu’elles ne comprenaient pas encore forcément l’impact de l’influence, ni même l’impact et l’engagement que ces personnes-là peuvent avoir. On est 100% orientés communauté et diaspora, contrairement à d’autres opérateurs qui restent sur une communication globale classique. Voilà pourquoi Tap Tap Send a pris beaucoup d’ampleur en un an. Au lieu d’investir dans des publicités en ligne, des Google ads, etc., j’ai investi mon tout petit budget dans des vrais projets humains, dans des personnes.

Découvrez l’interview complète en page 6 de votre magazine

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