MAREME MBAYE NDIAYE: «AU CAMEROUN, À TRAVERS LA MAISON DE LA PME,PLUS DE 600 CHEFS D’ENTREPRISES ONT ÉTÉ FORMÉS ET COACHÉS EN 3 ANS»

Née d’un père Sénégalais et d’une mère originaire de Gambie et de Sierra Leone, Marème Mbaye Ndiaye a grandi au Kenya et en Côte d’Ivoire. Avec cet important héritage panafricain fruit d’une éducation façonnée dans ces 5 pays, elle a fortement été exposée, et ce de manière précoce, à différentes cultures africaines. Ce qui l’a préparée à être à l’aise dans des environnements multiculturels.
En termes de carrière, Madame Mbaye Ndiaye comptabilise 21 ans de pratique dans le domaine de la Finance. Titulaire d’un Master in Science Management (MSC) en Économie Financière de l’École des Hautes Études Commerciales (HEC) de Montréal au Canada, elle a commencé sa carrière dans le groupe Ecobank où elle a respectivement occupé les fonctions de Gestionnaire de comptes au sein du Département de la Clientèle Institutionnelle, Chef de service de la Division des Entreprises Multinationales et Régionales et Directrice du Département Grandes Entreprises d’Ecobank Sénégal. Ensuite, elle a occupé les fonctions de Directeur Général d’Ecobank Gambie, Directeur Général d’Ecobank Rwanda et Directrice de Cabinet du Directeur Général du Groupe Ecobank, en
charge de la Stratégie et du Business Process management.
Après 17 ans chez ECOBANK, elle a répondu à l’appel du groupe Société Générale pour assurer les fonctions de Directeur Général de Société Générale au Cameroun, en décembre 2018. En septembre 2021, elle a été portée à la tête de Société Générale Afrique Centrale et de l’Est, en tant que Directrice Régionale, poste qu’elle occupe actuellement. Nous sommes allées à sa rencontre pour parler d’inclusion financière en Afrique.

Pourquoi, selon vous, l’inclusion financière est-elle un levier de croissance pour les pays Africains ?
Disposer d’un compte bancaire, pouvoir épargner, être assuré et accompagné dans son projet par un crédit ne sont que les étapes du parcours du citoyen de notre époque. Ces possibilités, courantes dans le quotidien des populations des pays occidentaux ne sont malheureusement pas encore courantes dans nos pays en développement. Malgré l’usage massif du téléphone mobile qui a permis à l’Afrique (notamment subsaharienne) de faire un bond technologique ces vingt dernières années, les constats sur la faible intégration de nos populations au système financier sont clairs. La population non-bancarisée sur le continent se dénombre toujours en millions ; le taux de bancarisation moyen est passé de 5,7% à 15,7% en dix ans (Jeune Afrique) ; à l’échelle locale, ce taux s’élève à 60% en Tunisie et à 45% au Maroc, témoignant ainsi des contrastes au sein du continent (Africa 24). Au Cameroun par exemple, le taux de bancarisation de la population active a progressé en valeur relative de 11,2%, passant de 17,1% au 31 décembre 2017 à 28,3% au 31 décembre 2020 (MINFI). Plus loin, quelques chiffres permettent de mesurer le défi que représente l’inclusion financière dans le monde, si l’on s’appuie sur les données tirées de Mesuring Financial Inclusion – The global finex database, 2017: On observe que près de 75 % des adultes gagnant moins de deux dollars par jour n’ont pas de compte en banque ; un peu moins de la moitié de la population vivant dans les pays en développement n’ont pas de compte en banque, contre 10 % dans les pays riches et développés ; parmi les personnes ayant un compte, seuls 43 % l’utilisent pour épargner ; les femmes sont particulièrement désavantagées, puisque dans les pays en développement, seulement 58 % – contre 67 % d’hommes, disposent d’un compte bancaire. L’accès au financement contribue à l’amélioration et au développement des conditions de vie des populations, des couches sociales les plus fragiles, des femmes. Cela dit, lorsqu’un entrepreneur a accès au financement, cela lui permet de développer son entreprise et de créer des emplois. Ces emplois à leur tour sortiront de nombreuses personnes de la pauvreté et contribueront à l’amélioration du niveau de vie au sein de la communauté. C’est ce qui m’inspire et me fait avancer tous les jours dans mes responsabilités de banquier. En effet, notre métier c’est plus que de la banque. En offrant des opportunités et des perspectives à de nombreuses personnes et organisations, nous jouons un rôle social de premier plan et une mission d’empowerment envers les populations et les communautés. Je suis par ailleurs impressionnée par la détermination de nombreux jeunes entrepreneurs et par la niche de talents dont regorge le continent africain. Leur potentiel, s’il est développé, peut faire émerger de véritables champions africains.

On parle de favoriser l’inclusion financière. En termes de mise en
œuvre, comment cela se traduit-il concrètement ?

Plusieurs acteurs interviennent dans le processus de mise en place et de développement de l’inclusion financière : des banques aux instances régulatrices, des institutions d’appui et de coopération bilatérales, en passant par les États, les entreprises et le secteur privé. Pour la Banque
Mondiale, l’objectif est clair : « l’inclusion financière fait désormais partie
des priorités des décideurs politiques, des organismes réglementaires et des organisations de développement du monde entier. L’accès aux services financiers est considéré comme un facteur de progrès pour sept des 17 Objectifs de développement durable »
L’inclusion financière des individus permet leur accès aux services financiers formels de base : un compte en banque, la capacité de souscrire
une épargne et de contracter un prêt, la possibilité de recourir à des services bancaires tels que l’obtention d’une carte de crédit ou l’utilisation d’un mobile pour ses paiements. Tous ces services tendant à se développer à travers une offre bancaire traditionnelle ou alternative, qui se structure et se développe, tout en s’adaptant à l’évolution des modes de consommation, où la mobilité et l’autonomisation sont des facteurs de plus en plus déterminants.
Pour les entreprises, la mise en œuvre de l’inclusion financière passe par la réduction des contraintes de liquidité auxquelles elles font face, la facilitation de l’investissement de long terme et la contribution à la réduction de l’instabilité de l’investissement. Pour cela, deux leviers sont
essentiels : l’accès au crédit des PME et une utilisation plus intensive des services financiers. Dans certains de nos pays, afin de soutenir les petites et moyennes entreprises qui constituent plus de 90% du tissu économique, les États, en plus des ministères des finances, ont créé des ministères en charge des PME, en mettant en place des programmes pour favoriser l’entrepreneuriat et développer les structures existantes.
Notre institution s’est alignée à cette volonté des pouvoirs publics. Le Groupe Société Générale est à l’origine du programme « Grow with Africa », lancé en 2018, pour une période de 4 ans, à travers lequel, notre Groupe s’engageait à renforcer son investissement pour le développement durable du continent africain sur quatre axes de financements et services : les PME, les infrastructures, l’agriculture, les énergies renouvelables, ainsi que l’inclusion financière. De nombreuses initiatives ont ainsi été menées dans des pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, Madagascar ou le Cameroun, pour ne citer que ceux-là, pour accompagner les entreprises de petite et moyenne taille dans leurs besoins en financement.
Au Cameroun par exemple, à travers la Maison de la PME, plus de 600 chefs d’entreprises ont été formés et coachés en 3 ans, dans différents domaines tels que la finance, la gestion de projets et la création d’entreprise, à travers plus d’une cinquantaine d’ateliers de formation exécutés par Société Générale Cameroun avec divers partenaires techniques. Au terme de ce processus de maturation, certains ont pu bénéficier d’un accompagnement bancaire.

Pensez-vous que la règlementation favorise l’inclusion financière ? Est-elle à la hauteur des enjeux auxquels les banques font face en zone CEMAC aujourd’hui ?
Les pays les plus avancés en matière d’inclusion financière ont mis en place un environnement réglementaire et normatif porteur et ont favorisé la concurrence, laissant aux organismes bancaires et non bancaires la possibilité d’innover et de développer l’accès aux services financiers. Mais la création d’un tel espace d’innovation et de concurrence va de pair avec l’adoption de mesures et de réglementations adaptées pour protéger les consommateurs et garantir une fourniture responsable de services financiers. Force est de constater que la détention d’un compte courant et le recours à l’épargne formelle sont plus élevés dans les pays où la protection du consommateur est plus encadrée. L’épargne formelle est également corrélée aux politiques visant à limiter les frais ainsi qu’aux incitations fiscales favorisant l’inclusion financière. On peut en déduire que l’effet des réglementations relatives à la protection des consommateurs n’est pas tant de favoriser l’adoption des services financiers que d’encourager leur utilisation. Ces dispositifs sont, pour les consommateurs, un gage de confiance dans la sécurité de leurs transactions et de protection contre les risques de fraude.

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