Karelle Vignon-Vullierme : «  La  difficulté est de faire comprendre aux marques que le blogging est un métier à part entière »

Karelle Vignon-Vullierme est une bloggeuse culinaire, béninoise d’origine, qui vit à Dakar. Elle est née et a grandi à Paris avant de s’envoler au Canada pour ses études. Elle y restera six ans. Là, elle rencontre son mari Olivier avec qui elle décide de tenter l’aventure africaine. Ils gèrent aujourd’hui tous les deux  Les Gourmandises de Karelle.

Quel a été le déclic pour que tu rentres sur le continent ?
Avec mon mari, nous nous sommes rendus compte qu’au Canada, on n’épargnait pas. Nos amis non plus. On tournait en rond. Plutôt que de rester dans ce schéma sans évoluer, on a décidé de tenter l’aventure du retour. On pensait rester en Afrique un an, et là, dans deux mois, ça fera sept ans.

Comment se passe le retour quand on est Afropéenne ? Tu as sûrement dû faire face à quelques challenges…
J’ai une formation de journaliste. Par conséquent, le premier poste qui m’a été proposé, était un poste de journaliste/présentatrice TV. L’à priori que la boîte avait, était qu’en tant que Française ayant fait mes études au Canada, j’allais sûrement demander un très gros salaire. Il faut déjà faire face aux à priori. Ensuite, il faut s’acclimater, être patient. Une personne vous dira « ce sera fait demain » alors qu’au bout de dix jours, il n’y aura toujours rien. Les gens prennent vraiment leur temps. Le concept « le temps c’est de l’argent » n’existe pas ici, et c’est vrai dans tous les domaines. Nous avons eu des difficultés à trouver un appartement. Nos attentes, pourtant banales (selon nous), semblent être des demandes extraordinaires : avoir des murs droits, une façade normale, une salle de bain fonctionnelle … Lorsque que c’est bien fait, la plupart du temps ça coûte très cher.
A côté de ça, il y’a pas mal d’avantages, notamment le beau temps, ce qui est non négligeable (rires).

Il y a presqu’un an tu as partagé sur internet, un post très émouvant sur tes difficultés à avoir un enfant. Trouves-tu que la société manque de tact à l’égard des femmes face à ses sujets ?
Poster cette publication a été très émouvant pour moi également. C’était difficile de l’écrire mais je l’ai fait parce que c’était un ras-le-bol. Tous les jours, je partage sur internet ma « vie ». Je partage mon quotidien avec les gens qui me suivent. Ce que les gens ne réalisent pas c’est que sur internet, on partage uniquement ce qu’on a envie de partager. Les choses qu’on ne partage pas, qu’on ne dit pas, c’est peut-être qu’on a des raisons de ne pas les partager. J’en ai eu marre. Je ne vais pas dire que c’est la société qui manque de tact mais c’est plutôt l’être humain qui est trop curieux :  « quand  est-ce que vous faites un enfant? » « à quand le deuxième? » « pourquoi n’êtes-vous pas mariés ? » Nous sommes saturés de publicités où une famille heureuse, c’est un papa, une maman, un garçon et une fille riant autour d’une table. Certes, c’est un bon modèle de famille, mais ce n’est pas un objectif de vie. Je constate aussi qu’il y a beaucoup de gens pour qui le mariage est une finalité. Les gens veulent désormais se marier juste pour se marier. Si on l’est, tant mieux, sinon tant pis. Ce n’est pas une fin soi.

Karelle Vignon-Vullierme sera parmi nous le 5 Juillet prochain pour raconter son parcours

Tu as appris à cuisiner sur internet. Faut-il avoir des bases solides pour se lancer ?
Je n’avais aucune base ! Quand j’ai commencé à cuisiné j’avais des bases très molles, voire liquides ! (rires). Vous n’avez pas besoin d’avoir des bases, vous avez juste besoin d’être passionné(e).
J’aime manger et  j’ai un mari tout aussi gourmand que moi. Quand je me suis lancée, c’était pour me faire plaisir, mais aussi lui faire plaisir avec de bons petits plats. Je cuisinais tout le temps. A force de régularité, il y’a des choses que je fais aujourd’hui dont je ne me serais pas crue capable il y a cinq ans.

Quels conseils donnerais-tu à ceux qui aimeraient faire comme toi ?
J’ai donné deux clés tout à l’heure : il faut être passionné et assidu. Il ne faut pas faire quelque chose qui marche, juste parce que ça marche. Il faut faire des choses qu’on aime faire, et qu’on continuerait à faire même sans argent. Pendant les trois premières années, de 2013 à 2016, nous ne gagnions pas d’argent. Je partageais mes recettes  tous les lundis parce que ça me faisait plaisir, parce que j’avais une communauté sur Facebook. Il faut surtout, être vrai, être soi-même, c’est le plus important.

Comment choisis-tu les recettes pour le site ? En inventes-tu ?
Les recettes que je publie sur le site sont des recettes que je trouve en général sur internet, notamment sur Pinterest, mon réseau social préféré pour faire de la veille food. Je suis très active sur  la toile, je lis des livres et je regarde l’actualité.
Je construis mes recettes en fonction de ce que je consomme et que j’aime, de ce que je trouve autour de moi. Je fais des recettes pour que le maximum de personnes puisse les reproduire. Je choisis des produits accessibles. Si je les trouve moi-même trop chers ou qu’ils ne sont disponibles  qu’à un ou deux endroits de la ville, je préfère éviter. J’invente certaines recettes également, en fonction de ce qu’il y a dans mon frigo ou que je trouve au marché. Très souvent, c’est pour éviter de jeter, que je remixe des plats.

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Tu es entrepreneur à 100%. On a envie de te demander si ça rapporte et quel est ton business model ?
En effet, Les Gourmandises de Karelle, c’est mon activité principale. Depuis deux ans et demi, j’ai quitté mon poste à la radio pour me consacrer entièrement à la création de contenus. Ce qui nous rapporte le plus, ce sont les sms qu’on envoie au quotidien avec un opérateur mobile à des personnes au Sénégal, au Mali, en Guinée  avec des astuces de cuisine et des recettes au quotidien. On fait du placement de produit de marque dans les recettes vidéo et on  a des opérations ponctuelles avec les restaus pour mettre en avant leurs cartes. Enfin, il y a la rémunération Google Adsense basée sur le nombre de visites sur le site. Nous avons deux audiences : une audience très française qui consomme quasi exclusivement le site internet. Ils représentent 80% du trafic ; une audience africaine, qu’on retrouve principalement sur les réseaux sociaux. Ils sont 150 000.

Derrière le glamour des réseaux sociaux, quelles sont les difficultés auxquelles tu fais face en tant qu’entrepreneur culinaire en Afrique ?
C’est de faire comprendre à certaines marques qui nous contactent pour avoir de la visibilité via nos plateformes, que le blogging est un métier à part entière. C’est un média au même titre que l’affichage, la radio ou la TV. A ce titre, nous méritons donc la rémunération qui convient à notre statut de média. Par ailleurs, avoir un business basé sur les réseaux sociaux vous oblige à créer une communauté, à l’engager et à créer du contenu qui va engager ladite communauté. C’est un travail à temps plein, il n’existe pas de jours-off ni de weekend.

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