Vendredi 29 Juillet dans l’espace Bouma du fameux hôtel Hilton de Yaoundé, la salle s’impatiente. Tout le monde attend depuis une heure, une présentation plutôt inhabituelle en ces lieux. Et pour cause, un fils du pays présentera officiellement et en avant première sa 2ème collection capsule avec la maison du célèbre chausseur italien de luxe, Roberto Botticelli.
Gaspard Defustel Ndjoko, la quarantaine, la mine légèrement serrée, mais le visage bienveillant, expliquera quelques minutes plus tard le but de sa démarche : « Je suis venu présenter en toute humilité mon travail dans mon pays natal. J’aurais beau avoir tout le succès du monde, si je n’ai pas l’amour et la reconnaissance des miens, je n’irais pas bien loin. » Internationalement reconnu pour son style hors du commun, Defustel Ndjoko est devenu en peu de temps, une véritable icône de la mode masculine européenne. Il se présente comme un afro dandy qui balade sa tradition avec lui : « Je suis né et j’ai grandi à Baham[1]. En Belgique, je vis à la campagne. Je suis un villageois. J’en suis fier et c’est ça qui fait mon parcours. »
LE PARCOURS, JUSTEMENT
Il faut dire que Defustel n’était pas forcément bien parti pour une réussite outre-Atlantique : il est noir, titulaire d’un Brevet des Études du Premier Cycle (BEPC) comme unique diplôme, et originaire d’un village dans l’Ouest du Cameroun. Mais que représente ces « handicaps » face à la passion et la détermination d’un homme ?
« Je me suis inspiré de mon grand frère Jean Claude Tchangang et de sa bande de potes, alors lycéens, qui dépensaient leurs économies pour acheter les vêtements qu’ils voyaient dans les magazines. Je me rappelle que plus jeune, je louais à mon frère sa ceinture Lacoste toutes les semaines pour 500 FCFA[2].
Après l’école primaire à Baham, le jeune Defustel s’en va vivre à Bafoussam[3] avec sa mère, où il effectue une partie de son secondaire. Ensuite, ce sera Bandjoun, puis Bagangte[4], où il obtient son précieux diplôme. Quelque temps après, le jeune Defustel se rend à Yaoundé, la capitale, et commence une activité de vendeur à la sauvette au Marché Mokolo pendant 3 ans. Dans son pousse-pousse, il y’a du cirage, des allumettes, du menthol, des aiguilles… « Je suis sorti du pousse-pousse pour voyager. Littéralement… »
Après de nombreux efforts, Defustel Ndjoko arrive à Paris en 2000 et commence par travailler pour un pakistanais de 6h à 20h, pour un salaire de 500 euros par mois (environ 300 000 FCFA). 1 an après, il réussi à monter sa propre affaire, un cyber-café. « Cette affaire m’a permis de reconstruire l’école dans laquelle j’ai étudié à Baham, pour offrir un peu plus de confort aux écoliers. »
L’affaire tombe en faillite, et Defustel se retrouve sans emploi ni revenus. Il travaille alors dans la cuisine d’un grand restaurant, où il commence par faire la plonge, et termine chef cuisinier : « je ne savais même pas découper une tomate à mes débuts ». Le restaurant fini par fermer, mais Defustel est recommandé par son patron et change à nouveau de carrière pour se retrouver dans le secteur informatique. « Une fois de plus, j’étais totalement novice, mais j’ai fini par devenir manager logistique de ma boite à force de travail et de persévérance ».
Le travail. Une valeur que Defustel souhaite inculquer à tout prix aux jeunes camerounais. « Tout est possible si on travaille dur, transforme les rencontres en opportunités, et se dépasse soi-même. Pour y arriver, je n’ai pas eu le choix. J’ai dû me dépasser à chaque fois et je continue de le faire. »
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REPÉRÉ PAR LES PLUS GRANDS
La marque Defustel, ces sont 3 partenariats majeurs en 2016 : une collaboration phare avec avec la maison Roberto Botticelli, une collaboration avec le lunetier de luxe Mondeliani et une avec la marque de costumes Tombolini.
Tout commence à Milan, capitale de la Mode, lors d’une édition de Pitti Uomo[5] en 2014. Defustel se fait remarquer par son style à la fois dandy, chic, coloré et traditionnel. Il tape dans l’œil de la maison Botticelli, dont il devient d’abord l’égérie masculine, puis commence à dessiner des collections capsules. Les collections Roberto Botticelli by Defustel sont présentées dans toutes les boutiques de la marque, de New York à Milan en passant par Johannesburg et Amsterdam. La 3ème collection se prépare pour le mois de Septembre et sera présentée dans 7 mois, au Hilton une fois de plus : « ce sera une collection plus large avec une ouverture vers le vestimentaire ». L’univers de Defustel est coloré et éclectique. La collection est faite de boots, de mocassins, de richelieu, et même de sneakers : « Je crée tel que je veux porter moi-même, car je suis l’égérie de ma propre collection »
Un bonheur n’arrivant jamais seul, c’est au tour du lunetier de luxe Mondeliani de lui proposer une collaboration. La marque lui demande de créer une collection de lunettes. Le Dandy Afro a la brillante idée de mettre sur pied des lunettes qui correspondent à la morphologie nasale des noirs. 1 an de travail pour un résultat minutieux et raffiné que le grand public pourra découvrir dès Septembre 2016.
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RENDRE LE CAMEROUN GLAMOUR
La collaboration avec la marque de costumes Tombolini couve quant à elle une ambition claire : ouvrir une enseigne Tombolini dans la capitale Camerounaise.
« Lorsque vous achetez un costume de la marque, le nom de la ville où vous l’avez acheté est inscrit sur le shopping bag Tombolini avec lequel vous repartez. Mon rêve c’est que l’on voit la ville de Yaoundé inscrite sur certains de ces shopping bags, parce que la maison y aura implanté une enseigne. C’est comme ça qu’on rend une ville glamour. Quand on parle de new York aujourd’hui avec des étoiles dans les yeux, c’est aussi parce que toutes les grandes marques y sont installées ».
Defustel veut prouver qu’en Afrique, il est possible de travailler efficacement, tout en respectant les standards internationaux. Chez Tombolini en tout cas, le projet d’ouverture d’une enseigne sur le sol camerounais est déjà sur la table.
L’ambition ne s’arrête pas là : « Il existe 24 boutiques Botticelli dans le monde. Pourquoi ne pas espérer une 25ème à Yaoundé ? ». La première étape et le grand défi sera de trouver une clientèle forte et solide qui saura définitivement convaincre ces marques de venir s’implanter sur place.
Mais le défi ne semble pas effrayer l’homme, loin de là. A la question comment comptez-vous pénétrer le marché camerounais avec des articles qui coûtent entre 300 et 400 euros, Defustel répond : « Comme partout ailleurs, il y’a des camerounais qui gagnent bien leur vie. Ils voyagent et vont dans les grands magasins pour faire leurs courses. Ils ne représentent sûrement pas la majorité, mais ils sont ceux qui nous intéressent. Le but est de leur montrer qu’ils n’ont plus besoin de voyager pour avoir accès à ces produits, et que leur pays est tout autant attractif. »
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Joan Yombo
Je suis content pour toi mais seulement t’as oublié de parler de ta rencontre avec le prince de Bana à Bruxelles.