Ce jeune photographe rebelle et autodidacte vit entre Libreville et Pointe-Noire, les deux principales villes du Gabon. A travers la photo, il a décidé de pointer du doigt le phénomène ahurissant de la chasse aux Albinos….
- Bonjour Ussi’n peux-tu te présenter à nos lecteurs s’il te plait ?
Je m’appelle Ussi’n Yala, je suis un jeune photographe gabonais âgé de 23 ans vivant au Gabon. De nationalité gabonaise et congolaise, j’ai une double culture africaine qui malgré les différences qui les dissocient, sont très proches l’une de l’autre.
Diplômé d’une licence professionnelle banque finance, ma passion pour la photographie m’a dirigé petit à petit dans le milieu de la communication. Depuis peu photographe professionnel pour tous types de prestations, je jongle entre mon travail personnel artistique et mon travail professionnel.
- D’où te vient cette passion pour la photographie ?
J’ai commencé la photographie il y a un an. Au départ c’était juste pour le fun et puis l’âme de l’artiste a pris le dessus et j’ai commencé à m’y investir de plus en plus. M’étant premièrement porté sur du basique, je faisais plus de portraits qu’autres choses. Après avoir exploré cet univers, j’ai découvert un plaisir fou à prendre des photos de paysages, de couchers de soleil, de lieux que je visitais et plus particulièrement des gens dans leurs activités quotidiennes. Ce qu’on appelle le « street photography » ou photographie de rue.
Amoureux de la vie, j’aime capturer ces instants de vie qui pour moi sont particulièrement plus réalistes et forts en émotions. Ils parlent plus que les autres styles. Là les émotions tu ne les crées pas, mais tu les captures, tu les voles en d’autres termes. Et c’est ce qui en fait toute sa particularité. Les enfants sont les personnages qui me fascinent le plus d’ailleurs. Ils dégagent tellement d’énergie, dans leurs regards, dans leurs gestes et dans les émotions qu’ils reflètent.
J’édite toutes mes photos en noir et blanc, parce que je trouve que c’est très significatif sur les photos de rues. Selon moi cela permet de ne pas se perdre autour de toutes ces couleurs qui constituent l’environnement dans lequel on vit. Et aussi parce que le noir c’est beau, et le blanc accompagne bien le noir.
- Être un photographe professionnel en Afrique doit être un grand défi parce que les gens ne comprennent pas toujours l’importance de l’art. Es-tu d’accord avec ça? Est ce que tu gagnes de l’argent avec cette occupation?
Oui c’est un défi parce que les gens ne comprennent pas l’importance de l’art, en particulier celui de la photographie. Ils minimisent le travail artistique et parfois l’artiste lui-même. En Afrique Centrale, parce que je ne sais pas comment ça se passe ailleurs, le photographe n’est pas pris à sa juste valeur mais plutôt comme quelqu’un qui se cherche, la plupart du temps n’a pas fait d’études et qui n’a que la photographie pour se faire un peu d’argent de poche. Ceci dit, je souhaiterais quand même préciser que tout le monde ne pense pas de cette manière. Il y a des gens assez ouverts d’esprit qui savent ce qu’est la photographie, qui l’apprécient en tant qu’art, et qui la prennent à sa juste valeur. Tandis qu’il y’en a d’autres qui la banalisent et n’en connaissent pas le potentiel car ce n’est pas assez valorisé en Afrique centrale, ni par les peuples africains, ni par les photographes eux-mêmes. Et pourtant, nous savons tous que l’art contribue également au développement économique d’un pays.
Heureusement qu’aujourd’hui avec le développement des nouvelles technologies, la photographie professionnellement parlant commence à être en vue. Donc, pour répondre à ta question, oui, je gagne assez pour subvenir à mes besoins.
- Tu es aussi un rédacteur / blogueur. Qu’est-ce qui t’inspire quotidiennement?
Hmmm … Eh bien tout je dirais (rires). Tout ce qui me touche personnellement et qui attire mon attention.
- Tu vient de lancer « Pink Albino » une série sur les Albinos et la façon dont ils sont perçus en Afrique. Pourquoi as-tu choisi ce sujet?
En surfant récemment sur le net, je suis tombé sur un sujet d’actualité qui parlait d’une chasse aux albinos qui se déroule au actuellement en Afrique Sub-saharienne. Ce que j’ai lu m’a tout de suite attristé et mis en colère. Quoique ce n’était pas la première fois que j’entende ce genre de choses. Les raisons pour lesquelles les albinos sont massacrés sont tellement incensées que je ne comprends toujours pas comment nous pouvons être aussi fous pour commettre de tels crimes! C’est la raison pour laquelle j’ai choisi ce sujet, pour lancer une campagne de sensibilisation, afin que les gens arrêtent enfin de les traiter comme des personnes anormales ou «différentes», de les voir comme des êtres mystiques, responsables de la pluie et du beau temps, de les voir comme des génies, des fantômes, des esprits, tout sauf des êtres humains, et que nous les acceptons dans nos sociétés tels qu’ils sont parce que nous sommes tous les mêmes, et ça, peu importe nos différences. Nous nous plaignons constamment du racisme que l’on subit par les hommes blancs, mais nous oublions très souvent que nous même, nous nous comportons de la même manière avec nos proches. Car oui, un albinos noir est un noir avant tout, avec une particularité génétique héréditaire qui affecte la pigmentation, ce qui aurait pu arriver à n’importe qui parmi nous. Ca va de même pour les albinos blancs.
- À ton avis, comment les jeunes Africains peuvent remodeler l’image du continent aujourd’hui?
Les jeunes Africains peuvent remodeler l’image du continent africain premièrement en s’acceptant tels qu’ils sont, en acceptant leurs cultures, leurs ethnies, leurs origines, et en valorisant les valeurs qui leurs sont propres, ce qu’ils réalisent, ce qu’ils peuvent réaliser et ce qu’ils sont en mesure de réaliser. Nous devons être fiers de qui nous sommes et cesser de copier et suivre bêtement (et je pèse mes mots) les occidentaux, car nous n’avons ni les mêmes cultures, ni les mêmes valeurs, ni les mêmes trains de vies et ils ne sont en aucun cas supérieurs à nous. Nous devons comprendre que nous sommes plus riches et que nous pouvons faire plus grand par nous-mêmes, et tout cela en étant unis. Le changement ne viendra que de nous, et de personne d’autre. S’il faille rester là à attendre que ce soit les autres qui viennent le faire pour nous, ou le bon Dieu, nous n’irons pas bien loin. C’est d’ailleurs triste à dire, mais c’est déjà le cas.
- Selon toi, où se trouve l’endroit le plus artistique au Gabon?
Pour moi, c’est dans nos forêts et dans nos eaux qui se cachent les plus belles merveilles du Gabon. Et j’espère que très bientôt j’aurai la chance de le visiter entièrement et capturer en images la beauté de mon pays.