C’est presque devenu une symphonie. Tout le monde parle des records battus par l’Afrique en termes de croissance ou de levée de fonds. Mais on oublie souvent qu’il est facile de battre des records lorsqu’on part de (presque) rien. Et si cette fois-ci, on analysait plutôt l’impact ? La digitalisation fait partie des nombreux records battus par le continent. Elle rend disponible à moindre coûts des services parfois hors de prix pour le commun des Africains.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), seulement 1 personne sur 10 aurait accès à une assurance maladie sur le continent. Cette statistique explique à elle seule la difficulté de l’accès aux soins médicaux que connaissent la majorité des Africains. La startup nigériane Kangpe, dont nous parlons dans ce numéro, est loin d’être la seule à avoir identifié ce problème. En Tanzanie, une autre start-up s’est donnée pour ambition de démocratiser l’accès aux soins médicaux à la population. Jamii Africa est une micro-assurance santé dont la cible principale est constituée de personnes exerçant dans le secteur informel, et donc non bancarisées pour la plupart. Il est possible d’assurer 1 à 4 personnes pour une durée de 3, 6 ou 12 mois et pour une somme allant de 7000 TSH (environ 3 €) pour une personne seule, à 127 000 TSH (environ 47 €) pour 4 personnes. La souscription à la police d’assurance se fait par téléphone à travers M-Pesa, qu’on ne présente plus. Aujourd’hui Jamii compte plus de 20 000 utilisateurs et est partenaire avec 400 hôpitaux dans le pays en seulement 2 ans. La startup a récemment levé 750 000$ et souhaite impacter 720 000 personnes d’ici la fin de l’année 2018.
Allons maintenant au Kenya. Depuis 1963, le pays ne produit que 2 000 Mégawatt, puissance insuffisante pour satisfaire ses 48 millions de Kenyans. Afin d’atteindre ses objectifs de développement d’ici 2030, le pays doit produire 13 000 Mégawatt de plus. Strauss Energy est une start-up qui souhaite apporter sa contribution au développement de l’économie du pays en intégrant des panneaux photovoltaïques aux maisons. Ces panneaux vont capturer les rayons du soleil qu’ils vont ensuite transformer en énergie solaire capable d’alimenter tout un ménage. Le nombre de panneaux solaires intégrés à chaque foyer est définit en fonction de la taille du ménage et de sa consommation énergétique. En plus de contribuer à résoudre le problème énergétique du pays, Strauss Energy propose une solution non polluante à la production d’énergie. L’impact sur le panier des ménages est non-négligeable : 30% d’économie sur la consommation en électricité, et une rentabilité de 30% sur l’investissement fait sur la toiture qui abrite cette technologie.
La technologie vous va si bien
Enfin partons de l’autre côté du continent, au Cameroun. Comme plusieurs entrepreneurs dans le monde, les entrepreneurs camerounais font face à des difficultés de financement, notamment lors du démarrage de leurs activités. Au même moment, il existe une diaspora qui souhaite investir sur les entrepreneurs du continent. Dans le but de satisfaire tout le monde, la plateforme Ovamba a été lancée il y a maintenant 3 ans. Sur cette plateforme, les entrepreneurs qui ont besoin d’un nouveau matériel remplisse un formulaire en ligne où il leur est demandé de décrire leur activité et d’exprimer leur besoin. Sur la base de ces réponses, le risque sera ainsi déterminé et sous 3 à 5 jours, l’entrepreneur recevra une réponse (favorable ou défavorable) à sa demande. Si celle-ci est favorable, Ovamba s’occupe de l’achat du matériel/des biens. Quant aux investisseurs, il est possible pour eux de choisir sur quel type d’entreprise ils souhaitent investir. Ovamba a réalisé plus de 16 000 transactions sur sa plateforme et les investisseurs ont un retour sur investissement de 15.5% en moyenne. L’impact est direct sur des petites et moyennes entreprises locales qui peuvent ainsi bénéficier d’une rapidité d’accès au matériel, et ainsi accélérer leur développement.
Que l’on parle d’InsurTech dans le cas de Jamii Africa, de CleanTech dans le cas de Strauss Energy ou même de FinTech dans le cas d’Ovamba, il parait évident que les solutions aux manquements que connait l’Afrique peuvent être trouvées si on y met un peu d’innovation technologique. L’Agence Française de développement l’a d’ailleurs bien compris et a annoncé le lancement de Digital Africa, qui se veut être un écosystème fédérant les acteurs importants du numérique.
Et c’est le chaînon manquant. La réplication de ces trois initiatives à travers le continent permettrait de changer la vie de plusieurs millions de personnes. En travaillant ensemble, les africains n’entendraient plus seulement parler de croissance, ils pourraient en être acteurs, avoir plus d’impact sur les conditions de vie du plus grand nombre, pour ensuite aspirer à une industrialisation certaine.
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