AMEE: « L’AMIE DES MOTS, QUI TENTE D’EXORCISER LE MONDE DE QUELQUES MAUX »

Elle est avant tout slameuse et se nomme Amina Meliane Bamba en dehors de la scène. Sa poésie, qui se veut dynamique, prend parfois des airs de chant, de danse, et même de peinture. Vice-Présidente chargée de la communication du collectif Au Nom du Slam, Amee sait prendre le public par les tripes. Prix d’Excellence de la catégorie Culture en Côte d’Ivoire, elle a été distinguée cette année par l’ambassade de France en Côte d’Ivoire. L’activiste, passionnée de scène s’est ouverte à Inspire Afrika.

Comment débute votre histoire avec l’art en général et le slam en particulier ?
Mon histoire avec l’art a sûrement commencé avec ma vie parce qu’aussi loin que je me souvienne, mon quotidien a toujours eu une dose de créativité, dans les jeux et occupations auxquels je m’adonnais depuis l’âge de l’insouciance. Avec le slam, l’histoire a débuté en 2010 au cours d’un atelier d’écriture dénommé « Mots pour maux » initié par l’artiste chanteur Kajeem. J’y suis allée en tant que chanteuse, car je venais de remporter un concours de chant en catégorie R&B. Presqu’à la fin de l’atelier, je n’avais rien produit comme chanson parce que préoccupée par un examen à la fac. Un peu prise de gêne, j’ai donc écrit un texte sur le thème « les cinquantenaires des indépendances », que j’ai déclamé par défaut qui a été très apprécié par les personnes présentes à la soirée de restitution. C’était ma première scène en tant que slameuse le vendredi 22 février 2010 au Goethe Institute.

En 2010, le slam ne fait pas encore partie des arts majeurs en Côte d’Ivoire. Pourquoi vous intéresser à un art méconnu ?
Je m’y suis intéressée d’abord parce qu’il était le canal parfait pour allier ma passion pour l’écriture, mes penchants activistes et ma passion pour la scène. Ensuite parce qu’intuitivement je le voyais avoir sa place sur la scène ivoirienne. Enfin parce que j’aime bien faire les choses différemment : il y’ avait énormément de chanteuses, pas mal de rappeuses et presque pas de slameuses. Je n’en connaissais aucune à l’époque.

Décrivez-nous votre parcours, en 8 années, que retenez-vous ?
Un parcours quand même long dans la discipline, mais pas moins passionnant, parsemé de moments où l’abandon a été une option envisageable, mais à chaque fois on a été ramené sur le chemin comme par enchantement. Il a fallu en plus tracer ce chemin et fort heureusement avec la naissance du collectif Au Nom du Slam, la tâche a été un peu moins pénible à réaliser. Aujourd’hui ne ressemble certainement pas à hier car on a été soutenus par des applaudissements, des encouragements et la naissance d’un public assidu. Et après nous, d’autres slameurs ont également trouvé un chemin moins encombré à suivre. La marche continue, l’histoire poursuit son cours à l’écrit comme à l’oral. Comme nous aimons à le dire souvent : le slam va bien.

Comment définissez-vous votre slam et quelle est son utilité ?
Mes productions sont à l’image de la société, je ne fais que répéter ce que la vie raconte déjà. Elles peuvent être à la fois virulentes et pleines de grâce (rires). J’aborde la vie avec toute sa multitude de variantes avec une certaine prédominance pour la cause féminine. Le slam apparaît tout de suite comme un retour aux sources, un retour vers la transmission de savoir propre à l’Afrique : à savoir l’oralité. L’utilité résiderait donc dans cette sorte de reconnexion avec nos habitudes passées. Par ailleurs, on pourrait étendre cette utilité à celle de l’art en général qui a des vocations multiples en l’occurrence : moyen d’expression, d’éveil de conscience, d’apprentissage, activité pourvoyeuse de vocations et métiers.

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Quels sont les défis que vous avez eus à relever ?
Je pourrais citer l’acceptation de soi en tant qu’artiste. Parce ce n’était pas vraiment accepté par la majorité de mon entourage et j’avais peur de les décevoir par mes choix. L’autre défi a été le public qu’il fallait créer, ce qu’on a décidé de réaliser avec le collectif Au Nom du Slam, pour promouvoir et pratiquer la discipline.

Pourtant vous n’êtes pas que slameuse au quotidien… Parlez-nous de votre profession.
En effet, en dehors du slam et des autres disciplines artistiques que je pratique, je suis employée à plein temps dans une entreprise en tant qu’administratrice. Cela consiste en la gestion administrative, commerciale, comptable d’une entreprise spécialisée dans la production de contenus audiovisuels pour de grandes chaînes de télévision.

N’est-ce pas un boulet à votre cheville ?
Un boulet, je dirai à la fois oui et non. Oui lorsque je me vois parfois dans l’obligation de refuser certains contrats par manque de disponibilité dû à mes obligations au bureau. Non, car le fruit de ce travail me permet non seulement de me nourrir, d’être logée et en bonne santé, mais aussi de financer des dépenses liées à une carrière artistique, puisqu’on essaie de la mettre en route et qu’on n’a pas de producteur pour l’instant. J’aimerais bien me consacrer uniquement à l’art, d’ailleurs ça sera le cas un jour ou l’autre, mais pour l’instant l’art ne me permet pas de faire face aux obligations quotidiennes.

Artiste et célibataire à plus de 30 ans, on imagine bien qu’il y’a des clichés autour de cette vie. Comment les vivez-vous ?
Les clichés sont très ancrés en ce qui concerne à la fois les femmes célibataires qui ont passé la trentaine et les femmes dans le milieu de l’art. Mais tous autant qu’ils sont, ces clichées sont sans effet sur le cours de ma vie. Par contre, ma plume en est pas mal influencée puisque je m’en sers comme source d’inspiration, ce qui n’est pas plus mal.

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Vous a-t-on déjà fait des propositions indécentes ?
Les propositions indécentes sont presqu’inhérentes à tous les domaines de la vie qui impliquent des relations humaines, donc on y a été forcément confronté à un moment ou à un autre ; surtout lorsqu’on côtoie un monde où l’on a tendance à chosifier la femme. Quand cela se produit, ce qui arrive rarement en raison de mon activisme assez affiché (rires), je m’arrange à faire en sorte de ne plus avoir à croiser le chemin des auteurs de ces propositions. Jusque-là ça n’a été que des incidents insignifiants.

Quels sont vos prochains challenges ?
A moyen terme, on espère la sortie d’un projet musical et poétique, la participation à des festivals, et probablement un concert. Au titre des challenges, j’espère mener à bon port des missions qui m’ont été confiées pour l’organisation d’un festival de slam en Afrique Centrale et d’un championnat continental de slam. Avec le collectif Au Nom Du Slam, dont j’assure la vice-présidence, nous aurons un chapelet d’actions dont l’organisation de spectacles, de festival et championnat National de Slam.

Comment les plus jeunes peuvent-ils apprendre de vous ?
Les jeunes peuvent apprendre de moi en me contactant sur mes réseaux sociaux. Certains le font déjà car je suis souvent sollicitée à travers le monde pour conseiller, écouter et corriger des textes. Je donne également des ateliers mais dans les lycées uniquement pour l’instant en raison de mon manque de disponibilité.

Que doit-on retenir de vous ?
Je suis Amée l’amie des mots, qui tente d’exorciser le monde de quelques maux.

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