NAOMI DINAMONA: «NOTRE OBJECTIF EST DE CRÉER LA PREMIÈRE CHAÎNE DE RESTAURATION POUR BÉBÉ EN AFRIQUE »

Naomi Dinamona - Directrice de Leelou Baby Food

Elle n’a (que) 26 ans, et a l’audace et l’ambition qui caractérise les femmes Camerounaises. Ingénieure en génie électrique, rien ne prédestinait cette maman de deux mini gourmets à se lancer dans le secteur agro-alimentaire. Devenue entrepreneure presque par hasard, elle sait faire preuve de résilience dans un environnement où la lenteur de l’administration décourage les moins déterminés. Elle nous livre sa vision et son avis sur les différentes étapes qu’elle a franchies pour mettre sur pied Leelou Baby Food, marque locale de compotes et petits pots pour bébés.

Qu’est-ce qui vous a poussé à créer Leelou Baby Food ?
J’ai découvert un besoin. Je reformule : une maman m’a emmenée à découvrir un besoin. Cette maman, qui ne me connaissait pas, m’a proposé de me charger de l’alimentation de son bébé de 8 mois pendant 2 semaines. Cette doléance m’a poussée à réfléchir plus large et à constater un réel marché : celui des pots frais, naturels, faits maison et de qualité destinés aux bébés afin d’assister les mamans occupées. Je me suis sentie capable de résoudre ce problème alors j’ai saisi l’opportunité.

Avez-vous fait une étude de marché ?
Mon étude de marché a été de vendre les purées depuis ma cuisine pendant 6 mois. Aucun questionnaire n’aurait pu me fournir des données aussi exactes que celles acquises en étant en contact avec le client. Il est impératif d’avoir une phase pilote, et un contact préalable avec son marché.

Pourquoi avoir décidé de faire appel à des investisseurs à cette étape de votre projet ?
Au bout de 6 mois, le projet a été très bien reçu par le public. Tellement bien reçu que certaines personnes sur les réseaux sociaux m’ont contactée pour manifester leur envie d’intégrer le capital de l’entreprise; entreprise qui à l’époque n’était même pas créée. C’est cet intérêt qui a principalement orienté ma décision. De plus je n’avais pas vraiment d’autres choix. Le prêt me semblait compliqué au vu de mon carnet d’adresses suffisamment pauvre et je n’avais pas de capacité d’auto-financement. Chercher les subventions me semblait long. Alors j’ai décidé de faire une levée de fond.

Le love money n’était donc pas une option ?
Mon entourage immédiat n’a pas cru à mon projet au point d’investir. Je suis ingénieur de formation. Ils auraient préféré que je trouve un emploi stable, plutôt que de vendre des purées pour bébés.

Diriez-vous que sans le carnet d’adresses qu’il faut au Cameroun il est difficile pour une PME de dépasser un certain cap?
Oui clairement. Il faut connaître des personnes ressources pour bénéficier d’un mentorat et d’une orientation, voire d’une recommandation auprès des business angels. Pour penser aux banques il faut avoir une activité qui a un bon cashflow et est relativement stable, ce qui est rare pour les PME.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les différentes étapes de cet appel de fonds ?
Dans un premier temps, il m’a fallu mûrir mon idée. Cela consiste à peser le pour et le contre avant de lancer son projet. Je devais également m’armer de courage et de connaissance pour défendre mon projet. La deuxième étape portait sur la rédaction du business plan et des projections financières avec mon collaborateur. Ensuite j’ai envoyé cette documentation et ce pitch deck à quelques-unes de mes connaissances pour révision et avis. Parmi les personnes auxquelles j’ai envoyé mes documents pour révision, figurait celle qui m’a assistée pour cette levée de fonds. Au bout d’un mois, nous avons terminé les révisions et le projet était prêt à être présenté au grand public. La dernière étape était le lancement. Le 03 Février 2020, j’ai mis le pitch deck sur mon site web, ainsi qu’un questionnaire d’enregistrement pour les personnes intéressées par l’investissement. De plus les publications orientées sur mes comptes personnels et professionnels ont également permis de susciter l’intérêt des personnes qui me suivaient. Le lancement a été très bien reçu et la nouvelle s’est vite répandue. Nous avons alors commencé à recevoir des questions par e-mails et des appels auxquels nous avons bien évidemment répondu. Au bout de 5 mois, le montant ciblé était atteint et même dépassé.

Qu’est-ce que l’argent récolté vous a permis de réaliser ?
Le business plan a été exécuté tel que conçu. Nous avons pu prendre des locaux et des immobilisations, acheter des équipements de production, et notre matière première. Nous avons aussi pu investir dans la main d’oeuvre, acquérir des certifications, effectuer des formations, et profiter de l’encadrement par des experts en marketing.

Quels sont les enjeux auxquels vous faites face aujourd’hui ?
Notre problème principal est l’absence de producteur local de bocaux en verre. Cette rareté d’une de nos matières premières principales pèse énormément sur nos dépenses et a surtout un impact sur la rapidité de notre service. Bien sûr nous y travaillons. Vous comprendrez que commercialiser des produits frais est un gros challenge mais c’est un choix qui correspond à nos valeurs. Pour le reste, je dirais que l’insertion dans le marché se fait progressivement. Avec le temps nous gagnons en crédibilité et nous avons plus de bébés à notre charge.

Est-ce que le fait de produire des pots frais représente une difficulté pour distribuer en grande surface? Est-ce un de vos objectifs?
Vendre en grande surface me ferait perdre une de mes plus grandes richesses, le contact direct avec le client. Au-delà de vendre des petits pots, nous assurons un accompagnement après-vente conséquent. Nous nous positionnons dans le secteur de la restauration. Notre objectif est de créer la première chaîne de restauration pour bébé en Afrique. Notre premier succès sera la concrétisation de notre première franchise dans un autre pays. Nous y travaillons.

Quel est l’avantage comparatif de Leelou BabyFood?
Les purées et compotes de Leelou Baby Food sont faites à 100% d’ingrédients cultivés localement et sortis tout droit des champs on ne peut plus riche du Cameroun. Cette fraîcheur de notre matière première est l’élément essentiel permettant d’assurer la qualité de nos produits. En plus, c’est un honneur pour nous d’encourager nos braves agriculteurs. Ainsi, le procédé de fabrication est similaire à celui d’une maman à la maison avec l’exigence pédiatrique et nutritionnelle en plus. La cuisson est douce, les dosages sont précis pour assurer une valeur nutritionnelle optimale. Enfin, les pots conservent leur fraîcheur et donc leur goût, leur texture et la qualité des nutriments car nous n’ajoutons rien de chimique, et n’introduisons pas de conservateur, d’adoucissant ou de colorant.

Pensez-vous qu’être une jeune femme entrepreneure soit un avantage au Cameroun ?
À mon avis, tout dépend du domaine. Nous sommes encore rabaissées et nos capacités de management questionnées dans les domaines techniques et technologiques. Mais dans les domaines de l’agroalimentaire, du textile ou ceux liés à la petite enfance, une jeune femme entrepreneure a moins de mal à éclore et a plus de crédibilité. Progressivement, nous montrerons que nous sommes aptes à diriger des entreprises et ceux dans tous les domaines.

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