L’Audace en Architecture (suite et fin)

Caroline BARLA
Caroline BARLA

Des réponses éventuelles à ces deux questions :

  • L’introduction de nouveaux modes de penser
  • L’analyse innovante des situations
  • La projection avant-gardiste vers un mode d’habiter plus en adéquation avec la temporalité … le Bauhaus, la Cité Radieuse ont été des mouvements plus qu’audacieux en la matière

L’audace dans l’architecture contemporaine au Cameroun serait :

  • D’avoir le courage de changer totalement le paradigme des programmes de projets d’urbanisme et de construction, à savoir, rechercher nos propres modèles à vivre et à habiter et ne pas dupliquer des usages importés
  • De se poser des questions fondamentales sur nos modes de vie et sur nos repères culturels : sommes-nous tous en mesure d’habiter dans des immeubles et des appartements aux normes et modes de vie européens ?
  • De réintégrer des éléments des cultures locales dans les modèles architecturaux tout en évitant néanmoins des représentations figuratives de ces cultures qui ne sont pas faites que de masques et de totems divers. Nos sociétés sont tellement riches de graphismes, de couleurs, de formes, de sons, de vibrations, de psychologies, de philosophies, de sagesses … Il est regrettable de ne pas mettre tous ces atouts au service du bien vivre !
  • D’éviter de s’insérer dans des moules impersonnels et a-culturels découlant de modèles financiers, de contraintes de rentabilité, de critères de productivité ou de délais. Nos propres rythmes et niveau d’évolution nous permettraient de ne pas avoir ce sentiment de quête permanente vers l’inaccessible rêve de villes pleines de tours inappropriées …
  • De réexploiter les richesses des techniques de construction, d’isolation, d’économie de la construction, d’identité dont l’architecture traditionnelle est dotée.Cela ne veut pas dire qu’il faut aller vers une architecture passéiste, au contraire !

    L’audace serait d’oser sortir du « c’est comme ça qu’on fait ici ». Il faut cesser de céder aux phénomènes de répétition des formes sans âme, à ces immeubles aux apparences de parallélépipèdes métalliques souvent vêtus de leur triste revêtement glacial gris anthracite qui finit néanmoins par surchauffer au soleil. Il faut oser faire des recherches sur les matériaux autres que ceux à la mode qui produisent souvent des bâtiments froids et impersonnels qui vieillissent mal car inadaptés, inadéquats et inesthétiques, tels que ces bâtiments aux revêtements extérieurs faits de carrelages destinés aux salles de bain !

    L’audace serait d’oser reprendre son rôle premier de conseiller auprès des maîtres d’ouvrages et des institutions. L’architecte camerounais doit oser reprendre sa place d’avant-gardiste courageux, défendant des concepts, proposant des solutions à l’amélioration du cadre de vie, contribuant à la préservation des espaces naturels … L’architecture permet à l’homme d’habiter de mieux en mieux au fil de l’évolution des cultures et des modes de vie.

    Le mot évolution par lui-même évoque le fait de modifier la démarche de base, de changer les données de départ afin de les adapter à d’autres visions des solutions et réponses à rechercher, correspondant néanmoins à un résultat attendu.

    N’oublions pas que l’architecture peut être la réponse à un rêve d’habiter. Comment peut-on alors rêver sans le côté exceptionnel de ce que peut construire une imagination, sans la différence qui rend le rêve de chacun unique car différent de tous les autres, sans apporter le surréalisme à la formulation de son idéal d’habiter.

    Malheureusement, l’architecte camerounais a peu de latitude pour exprimer son audace professionnelle. Le contexte socio-économique local lui a fait perdre sa place première et privilégiée dans l’acte de construire. La concurrence déloyale et l’exercice illégal de la profession permettent à des non professionnels de réaliser des ouvrages sans aucun respect des normes et des procédures, le contraire même de l’exercice du métier d’architecte.

    De plus, l’architecte camerounais est soumis aux contraintes que lui imposent les maîtres d’ouvrage qui ne sont pas toujours à son écoute. Il est pourtant la valeur ajoutée à un projet car sa liberté de penser, lorsqu’on la lui autorise dans la réalisation d’un projet, cette liberté lui permet de révéler l’audace ignorée par le maître d’ouvrage lui-même dans sa propre intention de projet.

    On ne peut achever ce propos sans citer le travail de Francis Diébédo Kéré, premier architecte africain à avoir été gratifié du prix Pritzker, obtenu en 2022.  Il a su exploiter les sciences et techniques de construction traditionnelles et ancestrales, il a su respecter les sites, les cultures et l’environnement, il a mis en valeur les matériaux locaux, il a réinterprété des formes et des fonctions, tout ceci en y associant les techniques high- vers l’avenir.

    L’audace de Francis Kéré dans le projet de l’école de son village natal, a été de faire une déclaration d’amour publique et internationale à ses origines. Sur sa propre initiative et en toute humilité, sans grandes aides extérieures, il s’est engagé dans la construction de cette école avec l’idée rendre ce que ce village lui a donné, la possibilité d’aller à l’école.

    Francis Kéré a sublimé, avec beaucoup de délicatesse, des qualités locales sans doute ignorées, en mettant son haut niveau d’expérience professionnelle dans la conception et la construction architecturale, au service de ceux qui en ont le plus besoin mais qui ne peuvent ou ne savent pas faire appel à un architecte. Il a également su associer la population à la réalisation de cet ouvrage et créer une chaîne de production vertueuse et surtout une prise de responsabilité globale. Les habitants de son village se sont ainsi appropriés les lieux et pourront le magnifier au fil du temps, conscients de l’intérêt de chaque geste de l’architecte pour les prémunir contre la chaleur, le soleil, le vent … l’architecte a ainsi et parfaitement rempli sa mission dans la transmission du savoir. Il a fait plus que construire une école, il a donné des enseignements qui pourront être reproduits et à leur tour, transmis.

    L’audace ne se manifeste pas nécessairement dans une architecture spectaculaire mais dans une architecture appropriée et dont les innovations de l’audacieux répondent à l’art de bien habiter. L’audace peut simplement résider dans la contribution à proposer des espaces à vivre qui feraient reculer la précarité.

    Tout ceci dit, on aboutit à une conclusion évidente. Dans toute démarche et en architecture en particulier, l’audace commence par la formulation d’une idée différente, dans les recherches nécessaires à son aboutissement, dans les moyens de l’exprimer et de la réaliser. Cela se déroule de manière plus ou moins scientifique mais le but reste de faire entendre ses intentions, de convaincre de l’intérêt de ses innovations pour le grand nombre et d’aller de l’avant.

    L’audace ne serait-elle pas intrinsèquement nécessaire à la créativité et à l’intelligence ?

    L’audace ?

    C’est oser, c’est assumer, c’est innover, c’est être libre !

    “ QUOI QUE TU REVES D’ENTREPRENDRE, COMMENCE-LE. L’AUDACE A DU GENIE, DU POUVOIR, DE LA MAGIE.”

     

    Caroline BARLA

    Source Images:

    techs de manière à positionner l’architecture contemporaine africaine dans la course vers l’avenir.

    BUILDING GREEN, École primaire de GANDO, BURKINA FASO 200

     

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