Ciss St Moïse, défenseur de la mode africaine

Crédit : Afrik Fashion Show 10 - Ramez Aoude

« Je vis, j’existe… Je marque juste mon existence… La vérité est que j’ai toujours travaillé, j’ai commencé dans la vie en travaillant et le fait est que je ne sais pas m’arrêter. » C’est ainsi que Ciss St Moïse répond lorsqu’on lui demande le secret de sa longévité dans le métier. La mode en Afrique, beaucoup s’y essaient mais peu ont de longues carrières. Fondateur de la société Tropic 105, le couturier ivoirien, dans le métier depuis 27 ans, défend l’idée selon laquelle la tenue vestimentaire est une carte de visite.

Du 09 au 12 mars prochain, Ciss St Moise organise le festival N’zassa Mode à Treichville, Abidjan en Côte d’Ivoire. Lors de la conférence de presse lançant les activités en Février dernier à l’UNESCO à Paris, il a dévoilé le programme aux côtés de la princesse Esther Kamatari, ambassadrice de la maison Guerlain. « Pour cette édition 2017, la Maison Guerlain matérialise le soutien qu’elle nous apporte de manière plus impactante encore grâce à la soirée de la Petite Robe Noire au cours de laquelle, un jury sélectionnera la Petite Robe Noire interprétée par les jeunes créateurs qui participeront à ce concours. » Guerlain dispensera également des cours de techniques de maquillage à soixante-dix jeunes filles au travers de José Luis, maquilleur spécialiste de la maison. Plusieurs créateurs de Côte d’Ivoire et d’ailleurs présenteront leurs créations lors des soirées métissées puis, le N’Zassa Mode Fashion Street fera un show hors des murs sur l’avenue 8 de Treichville avec la participation de la population. La cerise sur le gâteau, un défilé du maître Ciss St Moise dont on pourra admirer une fois de plus les coupes raffinées et le choix de tissus nobles.

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Le Festival est l’occasion de montrer toutes les couleurs de la mode. Lorsqu’on le pique sur l’utilisation abusive du wax par les créateurs africains, Ciss ne tombe pas dans la polémique. « C’est une très bonne chose car depuis très longtemps les africains se sont appropriés le Wax qui leur a été dédié mais qui n’est pas d’origine africaine » En effet, le bogolan, le kenté et autres tissus africains sont souvent délaissés par les créateurs au profit du wax. « Ce qui me plaît lorsque vous rentrez dans les cours de Treichville, d’Abidjan ou d’ailleurs, c’est la manière dont les créateurs dans leurs différents ateliers travaillent le Wax de mille et une façons au grand bonheur des femmes. La caractéristique du Wax est dans ses couleurs qui viennent avec une certaine évidence, réchauffer un peu la monotonie qu’on l’on peut retrouver dans certaines matières occidentales et européennes classiques. » On ne réussira pas à lui faire dire du mal du tissu venu de Hollande. Le couturier tient à son N’zassa, son métissage, et chaque matière y a sa place. Il appartient au créateur de permettre à son vêtement de rentrer dans l’universalisme du vêtement et sortir de l’exotisme. « La Haute Couture c’est la valeur qu’on donne et à un vêtement pour en faire un produit de luxe. » Pendant quatre jours, le N’zassa mode va apporter une part de rêve au travers des célébrités de la haute couture, de la musique et du cinéma qui y participeront. Le Festival a cela de particulier, qu’il emmène un domaine très souvent guindé dans les quartiers populaires. « Certains de ces créateurs sont issus de ces milieux populaires, retourner à leurs origines, c’est une manière pour eux de rappeler leur parcours, leur histoire personnelle. Ils sont ces success stories dont la nouvelle génération a besoin. »

Aperçu de quelques dernières créations Crédit Photos : Jacques Bravo

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Ciss St Moïse fait partie des afro-optimistes, le Festival qu’il a créé est une occasion pour lui d’appeler à la professionnalisation et à l’industrialisation de la mode africaine. « C’est une manière de faire prendre conscience à la jeunesse qu’à force de persévérance, ses rêves peuvent se concrétiser et que rien n’est perdu. » Ce ne sont pas les talents qui manquent mais dans un milieu économiquement difficile, il faut plus que de la créativité pour réussir. « Ce qui leur manque c’est une volonté ou plutôt une vision de pérennisation de leur activité, je pense qu’ils ont déjà tout pour s’imposer, c’est juste au niveau organisationnel qu’ils doivent avoir une vision globale et productive de leur activité, de leur métier de création en fait. » Entrepreneur lui-même, le professeur-styliste, comme certains l’appellent, se plaint de la structuration du métier en Afrique. Il faudrait créer une ossature solide avec des responsables marketing, des commerciaux, des communicants et bien d’autres pour permettre au couturier de se consacrer à son art. « On peut le considérer globalement, comme un chef d’entreprise mais à un moment donné dans l’intérêt de sa créativité et de son talent, il se doit de déléguer la gestion et le développement de son entreprise à un quelqu’un dont c’est l’expertise. »

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La maison Ciss St Moïse a compris assez tôt l’importance de créer un écosystème autour de la marque. Le contexte ivoirien, contrairement à plusieurs autres pays d’Afrique francophone, permet au couturier de faire vivre sa marque au-delà des défilés et de sa boutique d’Abidjan. « J’ai eu à intervenir pour les pièces de théâtre de Bernard Zadi Zaourou et de Naki Sy Savané et je me souviens que j’avais pris beaucoup de plaisir à ce moment ! Je vais devoir reconnaître que je suis moi-même un artiste finalement » s’amuse le couturier. Au cinéma, comme à la télé, il apporte sa contribution, de Roues Libres de Sidiki Bakaba à Soeurs ennemies de Ray Reboul qu’il a habillé pour sa montée des marches lors du dernier festival de Cannes. Il entretient des relations avec la presse ivoirienne et les artistes qui font appel à lui régulièrement. Le numéro 117 de Life Magazine présentait Yode et Siro en couverture dans ses créations. Ce début d’année, il a signé un partenariat avec Dj Mix 1er dont il est devenu le styliste attitré. Quelques mois plus tôt, N’zassa Mode signait une convention avec le réseau des agences et mannequins de Côte d’Ivoire. « Il faut savoir déléguer certaines activités aux spécialistes lorsqu’on en a l’opportunité. Le Festival N’zassa Mode n’est pas une agence de mannequinat et ne gère pas non plus de mannequins mais pour répondre aux différentes animations qui se tiendront pendant ces quatre jours, nous nous sommes adressés à cette structure, nous avons en Côte d’Ivoire un réseau établi regroupant tous les mannequins de Côte d’Ivoire affiliés ou non, alors pourquoi ne pas travailler avec ce réseau pour une meilleure fluidité dans nos activités respectives ? »

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L’expérience parle à chacune des réponses de Ciss St Moïse. Il a une vision globale de l’industrie, il n’en est plus aux plaintes, il agit. « Je suis constamment en train de créer, d’améliorer ce qui existe… » N’est-ce pas cela que l’on attend d’un créateur ? Créateur, entrepreneur mais surtout artiste ! « Mon Leitmotiv, c’est le bonheur de la personne qui reçoit ce qui lui a été confectionné. Tant qu’il aura des gens à habiller et que je pourrai créer des vêtements, et bien je serai toujours en activité. » On ne peut que lui souhaiter encore que de belles années pour voir éclore cette industrie professionnelle pour laquelle il se bat parce que le professeur-styliste a encore beaucoup à apprendre à la jeune génération.

N’zassa mode, c’est du 9 au 12 mars à Treichville pour célébrer les métissages dans la mode. Nous y serons et vous ?

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