La première chose qui vous frappe lorsque vous échangez avec Alain Yav, c’est cette chaleur et cette bienveillance qu’il dégage. L’homme est accessible, jovial, sociable. Difficile de se dire qu’il est à la tête de l’un des plus grands groupes de communication en Afrique Francophone. Il fait partie de cette catégorie de repats dont on parle peu : ceux qui ne sont pas sortis de leur continent. En effet, c’est en Afrique du Sud qu’Alain Yav fait ses armes à une époque où le pays sortait à peine de l’apartheid et commençait son processus de reconstruction. Là-bas, il travaille dans des multinationales de renom, puis retourne s’installer en RDC avec Pygma Group, la société qu’il fonde avec 5 amis en 2005. Il est la preuve (avions-nous encore besoin de cette preuve ?) qu’on n’a pas forcément besoin de sortir du continent pour créer des réussites.
L’homme et l’entreprise
« Je suis l’aîné d’une famille de 9 enfants chacun ayant des personnalités très fortes. Je travaille avec un de mes frères, Willy, qui a co-créé Pygma Group avec moi. D’ailleurs le nom PYGMA représente les initiales des personnes qui ont créé la société. Nous étions des amis, ayant tous vécu à l’étranger, et ayant décidé de rentrer travailler pour le Congo. Je suis sociable, ouvert, passionné. L’art, la création, le leadership, la jeunesse et la fierté africaine me tiennent à cœur.
La Télévision est pour moi un bon support pour faire passer des messages. Je m’en sers autant que faire se peut (l’agence Pygma Communication est derrière le concours Miss RD Congo ndlr) »
« Je suis de cette génération-là qui était fascinée par l’étranger : il fallait partir à tout prix. Je rêvais des USA, surtout de la Californie. Mes amis eux, partaient en Belgique. Mais après des études primaires et secondaires en RDC, je me retrouve en Afrique du Sud pour faire des études d’ingénieur commercial, sous l’impulsion de mon père. J’étais déçu et j’y suis allé la mort dans l’âme. J’ignorais alors que j’allais être agréablement surpris par un pays en reconstruction mais dynamique et décomplexé.
A l’université, je me découvre une vraie passion pour le marketing. Un jour, j’ai l’opportunité de rencontrer un représentant de Procter & Gamble sur le campus. Je suis fasciné par son approche du marketing, tant et si bien que je vais à sa rencontre à la fin de son intervention en lui disant : « Monsieur, dans 10 ans, je serais comme vous ». Quelques semaines plus tard, je suis recruté dans un premier temps au sein de l’agence Grey WorldWide (où je travaillais sur le compte Procter & Gamble) puis au sein de l’entreprise même, 2 ans plus tard.
Pygma Group nait en 2005. Nous souhaitions retourner au Congo et y développer des opportunités. Je précise que Pygma Communication est une branche de Pygma Group. Nous avons des activités dans d’autres secteurs, notamment en conseil et en construction. »
« Pygma Communication fait partie des agences leader en Afrique Francophone. Il n’y a pas vraiment de recette pour réussir, il faut à mon sens, être constant et méthodique. Le marché de la communication, est relativement petit en Afrique, car peu développé. Les clients n’ont pas toujours une culture de la communication, même si c’est de moins en moins le cas. Par conséquent dès le début, nous avons diversifié nos activités : activations, communication événementielle, relations publiques, production… Nous avons créé un écosystème pour amplifier notre chiffre d’affaires et notre profit et pour maitriser la chaîne de valeur d’amont en aval. Rester dans la publicité uniquement ce n’était pas intéressant.
Ensuite, nous avons beaucoup investi dans l’humain car nous croyons aux talents. Nous choisissons les meilleurs et les mettons dans des conditions décentes pour leur permettre de s’exprimer au mieux. Globalement, nous avons une approche sur le long terme, ce qui est rare en RDC. »
Vivre son rêve Africain
« J’ai été influencé par la culture occidentale, la télévision, les médias. A l’époque nous rêvions d’évasion et de changement de vie. Les choses ne sont plus exactement les mêmes aujourd’hui. Nos jeunes veulent toujours partir, mais avec de plus en plus l’ambition de rentrer au bercail, expérimenter ce qu’ils auront appris. »
« Vous savez nous avons plusieurs défis majeurs sur le continent :
Premièrement l’humain. Les gens ne sont pas toujours bien formés et n’ont pas la culture de l’emploi. Ensuite, les problématiques de financement. En tant qu’entrepreneur, il est difficile d’évoluer en Afrique. Les banques sont frileuses et ne prêtent pas. L’accompagnement est quasi inexistant. En tant qu’agence de communication, nous sommes obligés de jongler entre les multinationales et leur lourdeur (elles ne payent qu’au bout de 45 jours au moins) et un marché du travail encore très informel : pendant que d’un côté je dois attendre le paiement du client, de l’autre, je suis obligé de payer mon prestataire instantanément. Autre défi, l’environnement des affaires. Sans doute le plus gros défi. Je me souviens avoir entendu : « Ah Alain tu ne corromps pas ? Tu vas fermer boutique dans deux semaines ». Nous avons perdu des marchés parce que nous n’avons pas voulu jouer le jeu de la filouterie. C’est pour vous dire …. Nos efforts seraient multipliés par 10 si nous avions un environnement des affaires plus sain. Le manque d’infrastructures, est aussi un réel problème. Internet instable, coupures de courant intempestives, tout ceci au final nous revient très cher.
Mais au-delà de tout ça, je tiens. J’ai eu d’incroyables opportunités en restant sur le continent. Le fait de me comparer à mes amis qui travaillent chez McDo depuis 20 ans me permet aussi de mettre les choses en perspective. Au quotidien, nous voyons l’impact que nous avons autour de nous : créer des emplois, former, inspirer.
Quand je prends la parole devant des jeunes ici en RDC, je me sens utile et fier. »
Lisez les pensées complètes d’Alain YAV dans notre numéro ci-dessous