Il y’a quelques mois, j’assistais à un de ces évènements en plein air dont raffole la jeunesse branchée de Yaoundé et de Douala. Tout se passait bien, jusqu’à ce que je vis surgir de nulle part deux appareils qui survolaient la foule en extase : tout le monde faisait de grands gestes vers le ciel.
Sur le moment, je me dis : « ça y’est, ils sont là », mais j’ignorais moi-même de quoi il s’agissait. Je reçus quelques éclaircissements au sujet de ces deux « choses » qui allaient et venaient au-dessus de nous plus tard: il s’agissait de drones.
Pour dire vrai, le nom de ces objets, ainsi que leur usage étaient enfouis quelque part dans ma mémoire. Cette dernière associait les drones à la guerre. Je devins subitement inquiet : nous étions dans une zone civile en train de mener une activité tout à fait innocente, dans une belle ambiance… On finit par m’expliquer que les drones étaient là pour capturer la beauté du moment depuis les airs. J’étais fasciné.
Un drone, est un aéronef non habité et piloté à distance, capable de mener des missions d’ordres civils ou militaires (cartographies ou missions de surveillance par exemple). La plupart du temps, les drones sont militaires, et sont utilisés durant les conflits. Cependant, il y’existe depuis longtemps, tout un marché de drones civils. Celui-ci commence tout juste à s’ouvrir au grand public grâce à des mini-drones ludiques que même des enfants pourraient utiliser.
L’engouement pour ces objets volants en Afrique, est de plus en plus grand, mais les données sur le marché des drones civil, précisément sur le continent sont rares et précieuses. Dans un article publié par BBC (1), Jonathan Ledgard, Directeur du projet Afrotech(2) estime que les drones pourraient représenter 10 à 15 % du secteur des transports en Afrique dans la prochaine décennie. Par ailleurs, la règlementation sur les drones civils n’est pas encore assez claire, mis à part au Rwanda. Le pays s’est fait pionnier du secteur en instaurant un cadre légal pour leur exploitation. Il accueillera le premier « Drone-port » du monde, sur les rives du lac Kivu, à Kibuye.
Je suis donc parti à la recherche de ce qui se fait au Cameroun dans le domaine, et je suis tombé sur deux passionnés, du petit objet volant.
Le Premier s’appelle Junior Chavez. Plus connu sous le pseudonyme de «Camairdroneboy», ce photographe et cameraman, a monté une entreprise appelée B Tv Media, qui est spécialisée dans les prises de vues aériennes. « Cet artiste du ciel », poste les plus belles images aériennes du Cameroun sur ses comptes Instagram (@camairdroneboy), Snapchat et Facebook et réinvente ainsi la promotion du tourisme de son pays. Il a travaillé entre autres avec le cinéaste Camerounais, Jean-Pierre Bekolo, la star montante du Hip-Hop « Jovi » et des organismes tels que, EDC (3) et le FEICOM(4). Patriote, Junior Chavez veut embellir le label Cameroun, d’abord aux yeux de ses habitants et ensuite aux yeux des potentiels touristes et investisseurs : « Le Drone nous montre l’image vue d’en haut, ce qui nous permet d’admirer la beauté et d’arranger les défauts. Tout ce que je montre n’est pas forcement beau. Mais ça nous donne une autre perspective…ça nous permet aussi de suivre le développement de notre pays par le ciel » m’a-t’il dit lors de nos échanges. Visionnaire jusqu’au bout, il n’oublie pas les secteurs primordiaux pour le développement d’un pays comme le nôtre, auxquels la « drone mania » pourrait aussi servir : « Le secteur qui en bénéficiera le plus pour moi, c’est l’agriculture. On pourra vérifier nos récoltes d’une manière plus efficace et les multiplier …Par exemple savoir quelle partie de la production souffre d’un manque d’eau ou de soleil, surveiller les animaux ou insectes qui détruisent les plantes … »
Ma deuxième rencontre s’est faite avec William Elong, un jeune entrepreneur de 23 ans, qui se définit comme « un rêveur sans limites ». Les rêves de William l’ont conduit à mettre sur pied le projet Drone Africa. Cette initiative a pour but de déployer une offre de services à base de drones au Cameroun et sur tout le continent : «Nous avons cartographié des dizaines de rues de Douala et partagé ces images avec notre partenaire Aymard Bamal, un entrepreneur Camerounais qui a créé ShoOwer, une application de géolocalisation de services. Ceci permettra à nos concitoyens de se repérer plus facilement. ».
Et Pour répondre à ma question sur l’apport du drone à l’économie touristique et à la culture Camerounaise, il fait référence à un cas pratique : «, Le Ngondo est un des évènements culturels majeurs au Cameroun, nous l’avons présenté sous un angle inédit jusque-là et diffusé les images sur plusieurs plateformes, y compris notre chaîne Youtube. Grace aux réseaux sociaux, nous avons touché plus de 5000 personnes. Avec ces images, certains découvriront une facette positive du Cameroun et voudront visiter le pays. Cela représente des entrées pour les hôtels, les transports, et l’économie dans son ensemble. ».
Le jeune homme a par conséquent lancé une levée de fonds de 300 000 dollars pour le développement du projet Drone Africa, un projet qui selon lui portera indéniablement ses fruits.
En observant ces deux amoureux du drone, je ne peux m’empêcher de penser que le développement de l’Afrique viendra du ciel !
Lire aussi : Kwiizi : faciliter l’accès à l’éducation sans connexion internet
1- Can « flying donkey »drones plug African transport gap? By Tom Jackson and Matthew Wall , www.bbc.com
2- Afrotech project : projet de développement de nouvelles méthodes d’éducations par le digitale. Il est mené par l’école polytechnique fédérale de Lausanne en Suisse
3 -EDC : Electricité Du Cameroun
4- FEICOM : Fond Spécial d’Equipement et D’Intervention Intercommunale
5- Fête traditionnelle et rituelle des peuples côtiers du Cameroun
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