ROUKIATA OUÉDRAOGO : « EN PARLANT DE L’EXCISION DANS MON SPECTACLE, JE NE VOULAIS PAS TOMBER DANS LE PATHOS NI DANS LE VULGAIRE. JE VOULAIS EMMENER LES CHOSES AVEC POÉSIE »

Crédit photo : RACHEL-SADDEDINE

Dans son premier spectacle, Yennenga, l’épopée des Mossé, produit en 2008, Roukiata Ouédraogo raconte l’histoire d’une héroïne. Une sorte de Jeanne d’Arc Africaine, qui a défié l’autorité de son père, le Roi, pour prendre son destin en main. Il se trouve que cette héroïne, qui est un vrai personnage historique au Burkina Faso, est son aïeule, une féministe avant l’heure. C’est donc naturellement que s’il fallait décrire Roukiata, on la qualifierait de féministe, même si, comme elle le dit, elle est « beaucoup de choses à la fois ». Comédienne, auteure et chroniqueuse franco-burkinabé, Roukiata Ouédraogo utilise son art et sa poésie pour dénoncer l’excision dont elle a été victime à l’âge de 3 ans. A 39 ans, la scène est sa plateforme, son espace de revendication et de liberté. Rencontre.

Tu as grandi au Burkina Faso et est arrivée en France à 20 ans. Était-ce dans  le cadre de tes études?
Pas du tout. Je suis venue pour rentrer dans une école de stylisme, car c’était mon rêve. Mais je n’ai jamais pu le faire. A mon arrivée, j’ai été dirigée vers une conseillère d’orientation qui m’a expliqué que le stylisme n’était pas fait pour moi, que ces études étaient réservées à une certaine élite, et que puisque je n’avais pas les moyens de les payer, je devais me réorienter vers autre chose. Cet autre chose pour elle, c’était travailler dans le social. A l’époque, je n’ai pas remis en question ce « verdict », j’ai fait confiance à cette dame qui en fait, m’avais déjà catégorisée à peine arrivée sur le sol français.

Donc tu te retrouves à faire d’autres choses qui n’ont rien à voir avec ce que tu voulais faire ….
Exactement. J’ai d’abord commencé par être caissière. Il fallait bien que je trouve un travail afin de subvenir à mes besoins. Mais mon aventure a été de courte durée. Comme je le dis dans mon spectacle, je confondais les francs CFA avec les francs français. Je débarquais de Ouaga, j’étais jeune, j’arrivais dans un tout autre environnement, et je n’avais jamais fait de caisse avant.
J’avais fait comprendre à ma patronne de l’époque que je voulais travailler et que j’apprenais vite. J’avais tellement besoin de cet emploi. Elle a été sympa et m’a embauchée, mais elle a dû me remercier au bout d’une semaine en me disant qu’elle avait besoin de quelqu’un de plus efficace. Elle m’a aussi dit que de toutes manières, avec la niaque que j’avais, je n’étais pas destinée à être caissière, mais à aller beaucoup plus loin. J’ai pris ma paye d’une semaine, et je suis partie.
Ensuite, j’ai fait mon BAFA[1] et j’ai commencé à travailler dans un centre de loisirs pour enfants en difficulté. Ça a duré un an. De temps en temps, j’étais sollicité dans la rue pour poser comme mannequin. Au début je refusais, parce qu’on m’avait toujours dit de me méfier du monde du mannequinat. Ce que j’ai fait jusqu’au jour où quelqu’un m’a persuadée que je pouvais poser comme modèle et gagner de l’argent de manière honnête. J’ai alors fait quelques campagnes pour de grandes marques,  notamment Nivea. Le fait de poser m’a aussi ouvert les portes du monde du maquillage. J’ai pris des courts pour devenir maquilleuse. J’ai pu côtoyer de grands stylistes tels que Imane Ayissi, j’ai maquillé des Top Model comme Katoucha. J’ai travaillé dans ce milieu pendant 10 ans.
Et puis, j’ai commencé à m’ennuyer. De manière générale, je m’ennuie assez vite, et j’ai besoin de challenges. Je savais que je pouvais aller encore plus loin et tirer encore profit de ma fibre artistique.

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A quel moment se déclenche l’histoire d’amour avec le théâtre ?
Le théâtre a toujours fait partie de moi. Seulement, il ne s’est pas révélé assez vite. Mon père et mon frère faisaient du théâtre en tant qu’amateurs. On a toujours eu ce côté « artiste » dans la famille.
Il faut savoir qu’à l’époque j’écrivais déjà beaucoup. A un moment donné, j’ai voulu prendre des cours de théâtre, parce que je n’étais pas encore à l’aise avec la langue française, une langue qui n’est pas ma langue maternelle et que j’avais commencé à apprendre à l’école. Je n’avais pas confiance en moi, j’avais du mal à prendre la parole en public. Dans le milieu où j’évoluais, les gens s’exprimaient bien, et moi j’avais du mal à le faire. J’ai pensé que le théâtre allait m’aider à résoudre tout ça.
Au début, je ne voulais pas en faire mon métier. C’était juste un stage de théâtre. Et puis, progressivement, ça m’a libéré, et ça m’a permis d’apprendre de nouvelles choses, et de découvrir des auteurs incroyables. Très vite, j’ai été poussée par mes professeurs qui voyaient en moi un certain potentiel. Ils m’ont demandé de persévérer dans mes cours.
Mais j’avais des doutes. Déjà, le cours Florent coutait super cher pour moi (environ 3400 euros l’année à l’époque). C’était très compliqué. Je ne connaissais pas la réputation du cours, ni toutes les personnes qui étaient passées par là. J’ai fini par rester après avoir été admise directement en 2ème année, sachant que la formation durait 3 ans. Je me suis donc mise à travailler en intérim le week-end, pour financer les cours qui avaient lieu en semaine.

 Retrouvez la suite de l’interview en page 35 de votre magazine

 

[1] Brevet d’Aptitudes aux Fonctions d’Animateur

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