LE PARADOXE IVOIRIEN : CONSOMMER A QUEL PRIX ?

Annoncé en grande pompes depuis plus de deux ans, CFAO a signé son grand retour dans la distribution alimentaire en Afrique en implantant en décembre dernier un bijou de centre commercial dans un quartier chic d’Abidjan : Carrefour. Coût de l’investissement : environ 50 millions d’euros pour 55 marques présentes. Un deuxième centre devrait ouvrir ses portes fin 2016, à proximité de Bingerville, au nord-est de la capitale économique ivoirienne.

Quelques mois avant, c’était le groupe concurrent  PROSUMA avec ses 20 enseignes et 152 marques qui rafraichissait son package mode, cosmétique, média… avec l’acquisition de marques françaises comme la FNAC, Kiabi et l’ouverture prochaine d’un nouveau cinéma 3D.

Si l’arrivée de Carrefour a été saluée « comme il se doit »  avec la présence du Chef de l’état à son inauguration en décembre dernier, ceux qui espéraient un impact positif sur les prix ont été déçus. Aucune différence significative d’une enseigne à une autre. Qu’importe ! Les rayons et les allées ont quand même été pris d’assaut par la population venue massivement découvrir ce nouveau sujet d’attraction. L’effet « nouveauté » combiné à l’ambiance des fêtes de fins d’année est un coup de maitre : Carrefour n’a pas désempli pendant plusieurs jours.

En plus de la grande distribution et des divers sites de vente en ligne, poussent comme des truffes de grands commerces, filiales ou franchises de marques de luxe étrangères, essentiellement européennes dans tous les quartiers chics d’Abidjan.

Parfums, bijoux, vêtements, voitures de luxe. Restaurants et lounges chics, meubles design, divertissements accessibles à une certaine classe sociale, … Les espaces sont soignés, constamment rafraichis, les vendeurs élégants, les produits fins et recherchés, les vitrines prêtes à être léchées mais pas seulement, et les prix… quoi les prix ?

Si ces commerces avancent résolument vers une stratégie fondée sur la création et la stimulation systématique d’un désir d’acheter des biens et services dans des quantités toujours plus importantes chez le client, la capitale ivoirienne a-t-elle raisonnablement les moyens d’entretenir ce niveau de consommation ?

Avec un Smig* à 60.000 francs CFA (90 euros), un salaire moyen de 120.000 francs CFA (180 euros), et une part de la population vivant sous le seuil de pauvreté estimée à environ 46.3 % en 2015, l’arrivée de ces grandes enseignes demeure un paradoxe. Certes, le niveau de consommation progresse, mais lentement, et la grande émergence de la classe moyenne n’est pas encore d’actualité.

De plus, selon un rapport de la banque mondiale : « même si la Côte d’Ivoire se classe parmi les pays les plus dynamiques du continent africain avec près de 9 % de croissance économique en 2015, ses perspectives économiques devraient rester bien orientées à court et moyen termes, à condition que l’environnement extérieur demeure favorable et que les autorités maîtrisent les risques liés à leur politique d’investissement ambitieuse.

La Côte d’Ivoire doit désormais rendre cette croissance plus équitable, en garantissant des emplois de qualité à la majorité de sa population. »

En attendant, les abidjanais semblent devenir des consommateurs sans en avoir les moyens dans un contexte où le court terme, l’image et la possession deviennent peu à peu des habitudes au quotidien mais aussi des valeurs dominantes de la quête de reconnaissance économique et sociale.

Sources : www.banquemondiale.org , Ministère ivoirien du commerce, de l’artisanat et de la promotion des PME, Prosuma
*Smig : Le salaire minimum interprofessionnel garanti ivoirien est passé en 2013 de 36.607 à 60.000 francs CFA. Si cette mesure du gouvernement a été saluée par les ivoiriens, son impact sur la qualité de vie de ces derniers semblent peu significatif car la grande majorité de la population travaille dans le secteur informel.
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