JOËL ANDRIANOMEARISOA, POUR UN ART HORS DES SENTIERS BATTUS

« Dans la pièce, je suggère des vêtements oubliés, un livre ouvert un peu abandonné, je suggère aussi des murs qui sont brûlés. A partir de là, fait-on appel à Madagascar ? Au monde ? Au fond de nous-même, je pense que nous sommes dans un esprit malgache qui parle en tous les cas du monde. Et un monde aussi qui parle à Madagascar ». Voilà comment Joël Andriamearisoa résumait son dernier projet, exposé à la biennale de Venise en 2019. Grâce à lui, son pays Madagascar a été représenté pour la première fois à cet événement artistique incontournable.

Comment l’art Africain peut-il contribuer à l’autonomisation des populations ?

Joël Andrianomearisoa obtient son diplôme d’architecture en 2003 et se lance dans ses premiers travaux. En mars 2019, alors qu’il préparait son installation pour la biennale, il expliquait qu’il n’avait pas pris la décision de devenir artiste, mais qu’elle lui était venue avec la reconnaissance du milieu.  Le Camerounais Pascal Marthine l’aide à avoir sa première invitation à une exposition, s’ensuit une longue série d’expos dans le monde entier. Son travail, inspiré par l’architecture, explore les formes, les matières, les textures. “Quand on est artiste, on n’est pas à la recherche de satisfaction. En tant qu’artiste, je suis dans une posture de questionnement” explique-t-il.

« J’ai oublié la nuit », le titre de sa dernière expo, fait rêver. « Le projet est comme un livre, un roman qui fait appel au passé, qui parle au présent. »  raconte Joël. L’installation est une promenade dans la nuit, des vêtements noirs, des pages déchirées. Elle parle de l’histoire d’un pays qui renaît, un pays qui a connu la nuit et qui renaît de ses cendres. De 2009 à 2013, Madagascar a connu une crise politique et sort peu à peu de la nuit. Le papier sert à raconter des histoires mais c’est aussi un matériel éphémère. « Le choix des matériaux, c’est une réaffirmation de ma posture face au monde de l’art. » affirme l’artiste. C’est aussi l’histoire de l’art malgache et des références au palais Ilafy, fait de bois brûlé.

L’art contemporain africain s’exporte partout dans le monde. On ne compte plus les artistes représentés par des galeries occidentales et les expositions internationales. L’artiste tique quand on en parle et rétorque que les géographies sont importantes mais que c’est une fausse idée. Il n’y a donc pas à parler d’art contemporain africain. “L’art, c’est un peu comme la mode. Le vrai travail, ce n’est pas d’être à la mode, c’est d’être linéaire. Il ne faut surtout pas surfer sur la mode.” ajoute Joël. Pour lui, il s’agit plus de symbole, de motivation, d’inspiration, de personnes qui vont inspirer les autres. Il est important de penser que tout est possible et le vent qui souffle sur l’art contemporain du continent le prouve. Les statistiques de la page Facebook de l’exposition défient les idées reçues sur l’impopularité de l’art sur le continent. Le premier pays à suivre la page est Madagascar, ce qui le rend fier. “Il y a des personnes à Madagascar qui sont surprises. Mon travail interpelle. Si ça interpelle, c’est que les gens s’y intéressent. En tant qu’artiste, je ne crée pas pour plaire”

Avec la Fondation Zinsou, Marie Cécile Zinsou milite pour mettre l’art Africain au premier plan

Joël Andrianomearisoa a l’habitude de ne pas rester dans les sentiers battus. Lorsqu’on évoque l’absence de lieux d’arts sur le continent, il répond que l’art contemporain ne doit pas être contenu dans un musée ou une galerie. Quelques années plus tôt, à la fondation Zinsou, il crée une installation pour laquelle il a travailla autant à l’intérieur des locaux que dans les jardins. « L’art contemporain est libre, non académique. Faire un t-shirt, c’est de l’art. Ce qui change, ce sont les manières de s’exprimer. Il n’y a pas de barrières » ajoute-t-il. Pour lui, il ne servirait à rien de monter un musée à Madagascar si on n’aurait rien à y mettre. L’art se trouve partout, il faut créer de nouvelles manières de communiquer. L’enjeu, selon Joël, est de sortir des sentiers battus et du schéma classique peinture-galerie-marché, il faut aller chercher une autre clientèle en travaillant les objets du quotidien pour les anoblir. « Les objets du quotidien racontent la sensibilité ». Plus que les matériaux, il travaillent les émotions. L’émotion, c’est la fragilité mais elle devient force lorsqu’on l’exprime tout comme le papier de l’installation qui dans sa densité devient dense, épais.
Noir mystère. Nuit noire. La nuit questionne à chaque fois. La nuit est insaisissable. La nuit, on rêve. On se projette vers soi-même” conclu-t-il.

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